Rupture conventionnelle du contrat de travail et detournement du licenciement économique

L’article 5 de la loi no 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail résultant del’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 a instauré un nouveau mode de rupture du contrat de travail à durée indéterminée : la rupture conventionnelle (art. L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail).

Nouveau mode de rupture du contrat de travail, la rupture conventionnelle permet à l’employeur et au salarié de convenir d’un commun accord de la rupture du contrat de travail qui les lie.

Mais attention, pas question d’utiliser la rupture conventionnelle pour s’affranchir des règles du licenciement économique.

C’est la directive très clair que l’administration du travail a adressé aux entreprises dans une instruction du 23 mars 2010 Ainsi, si l’Administration rappelle qu’il est possible de recourir à la rupture conventionnelle alors même que l’entreprise rencontre des difficultés économiques et qu’elle doit se séparer de certains salariés elle met en garde les employeurs sur une mise en œuvre de cette rupture lorsque le contrat prend fin dans le cadre d’un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Maître JALAIN – Avocat en droit du travail – Barreau de Bordeaux PLUS D’INFOS : www.avocat-jalain.fr

Extrait de la circulaire :

« 1. La rupture conventionnelle ne doit pas conduire à contourner les règles du licenciement collectif pour motif économique a) Le second alinéa de l’article L. 1233-3 du code du travail prévoit que les dispositions du code du travailrelatives au licenciement pour motif économique « sont applicables à toute rupture du contrat de travail, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants du code du travail, résultant de l’une des causes énoncées au premier alinéa » portant sur la définition du licenciement pour motif économique.

En effet, la rupture conventionnelle résulte de la seule volonté des parties au contrat de travail, sans qu’il y ait lieu d’en rechercher le motif. En conséquence, une rupture conventionnelle peut intervenir alors même que l’entreprise rencontre des difficultés économiques qui l’amènent à se séparer de certains de ses salariés.

Sauf exception détaillée au point 2, il n’y a pas lieu de rechercher la motivation (éventuellement économique : baisse d’activité, etc.) de l’employeur, puisque la rupture conventionnelle procède de la volonté des parties. Le salarié peut toujours ne pas opter pour une rupture conventionnelle, par exemple lorsqu’il est susceptibled’être éligible à une convention de reclassement personnalisé (CRP) ou un contrat de transition professionnelle (CTP).

Sur ce point, un effort d’information des salariés sur l’étendue de leurs droits sera une priorité de l’administration du travail, notamment via ses différents sites internet traitant de la rupture conventionnelle, sans pour autant devenir un point de contrôle au stade de l’homologation.

. .b) Pour autant, la rupture conventionnelle ne peut être utilisée comme un moyen de contourner les règles du licenciement économique collectif et donc de priver, de ce fait, les salariés des garanties attachées aux accords de GPEC et aux PSE.

En effet, les ruptures de contrat résultant des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ne peuvent revêtir la forme de ruptures conventionnelles, en application de l’article L. 1237-16 du code du travail.

Ainsi, dès lors que le recours à la rupture conventionnelle concerne un nombre important de salariés et que cela a pour effet de priver ces salariés du bénéfice des garanties attachées aux licenciements collectifs, l’autorité administrative devra vérifier l’existence ou non d’un contournement des procédures de licenciement collectif justifiant un refus d’homologation de la rupture conventionnelle.

2. Eléments susceptibles de révéler un contournement de la procédure de licenciement collectif

Le contournement peut être caractérisé par un recours massif à la rupture conventionnelle (a) dans une entreprise ou un groupe confronté à un contexte économique difficile (b) qui serait susceptible, à court terme, de conduire à la mise en oeuvre d’un PSE.

a) Peuvent être relevés comme des indices d’évitement d’un PSE une fréquence élevée de demandes d’homologation, comme les dépassements de seuils suivants :

– dix demandes, sur une même période de trente jours ;

– au moins une demande sur une période de trois mois, faisant suite à dix demandes s’étant échelonnées sur la période de trois mois immédiatement antérieure ;

– une demande au cours des trois premiers mois de l’année faisant suite à plus de dix-huit demandes au cours de l’année civile précédente.

La combinaison de ces demandes avec des licenciements pour motif économique aboutissant aux dépassements des mêmes seuils peut également constituer un indice. b) L’appréciation du contexte peut ressortir de documents de l’entreprise faisant état de difficultés économiques et se trouvant en possession des services de contrôle (comptes rendus de réunions du comité d’entreprise, expertises économiques, extraits du registre des délégués du personnel, demandes d’indemnisation au titre du chômage partiel, demandes d’autorisation de licenciement de salariés protégés, etc.). »

Maître JALAIN

Avocat en droit du travail Barreau de Bordeaux

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