La rupture conventionelle dans la fonction publique mise en place depuis le 1er janvier 2020 : Mode d’emploi

Arès avoir été instaurée pour le secteur privé en 2008 et connu un succès qui ne faiblit pas (environ 35.0000 ruptures par mois) , la rupture conventionnelle est devenue le seul mode de rupture amiable du CDI depuis un arrêt de la Cour de cassation de 2017 (Cass. soc. 21 déc. 2017 n°16-12780).

Ce succès s’explique par le fait que ce mode de rupture permet au salarié d’être pris en charge par l’assurance chômage, ne nécessite pas de motif de rupture pour l’employeur et se trouve admis même dans les situations les plus complexes du droit du travail  pour un employeur.

La rupture conventionnelle a en effet été admise même au cours d’une période de suspension du CDI consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (Cass. soc. 30 sept. 2014 n°13-16297) ou un congé de maternité ainsi que pendant la période de protection qui suit ce congé (Cass. soc. 25 mars 2015 n°14-10149), situations dans lesquelles le licenciement est clairement prohibé.

Il n’a pas échappé  aux salariés  que ce mode de rupture qui se veut « d’un commun accord » se trouve dans certains cas imposé par l’employeur comme une  « porte de sortie » de l’entreprise alors qu’il  souhaite se séparer de son salarié sans avoir un motif valable de licenciement.

Mais pour la cour de cassation dès lors qu’un formalisme minimal est respecté pour garantir le consentement du salarié ( entretien (s) prealable(s) , remise de la convention de rupture lui permettant son droit de rétractation) , rien ne doit faire obstacle à ce mécanisme mis un place par les partenaires sociaux.

Onze  ans plus tard, voici que ce mécanisme de séparation amiable est proposé aux fonctionnaires et agents contractuels en CDI  publics avec sans doute l’un des dispositifs les plus attendus de la loi de transformation de la Fonction publique.

 

La rupture conventionnelle fait donc son entrée dans la Fonction publique avec la loi n° 2019-828 de transformation de la Fonction publique.

Son article 72 prévoit une expérimentation pour les fonctionnaires, pour une durée de six années, ainsi que l’application du dispositif aux agents contractuels en contrat à durée indéterminée (CDI).

Précisant les modalités de ce nouveau dispositif, deux décrets datés du 31 décembre 2019 ont été publiés au Journal officiel du 1er janvier 2020 et sont entrés en vigueur le même jour :

 

le décret n° 2019-1593 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la Fonction publique ;

le décret n° 2019-1596 relatif à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans la Fonction publique et portant diverses dispositions relatives aux dispositions indemnitaires d’accompagnement des agents dans leurs transitions professionnelles.

 

  • Définition de la rupture conventionnelle dans la loi

 

“La rupture conventionnelle résulte d’une convention signée par les deux parties. La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, qui ne peut pas être inférieur à un montant fixé par décret.”

 

Premier point notable, la rupture conventionnelle ne s’applique pas :

 

– aux fonctionnaires stagiaires ;
– aux fonctionnaires ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite (article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale)
– aux fonctionnaires détachés en qualité d’agent contractuel.

 

  • Procédure expérimentale pour les fonctionnaires

 

La procédure est créée à titre expérimental, pour une période allant du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025.

La procédure de la rupture conventionnelle peut être engagée à l’initiative du fonctionnaire ou de l’administration, de l’autorité territoriale ou de l’établissement dont il relève.

Le demandeur informe l’autre partie par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en main propre contre signature.

Lorsque la demande émane du fonctionnaire, celle-ci est adressée, au choix de l’intéressé, au service des ressources humaines ou à l’autorité investie du pouvoir de nomination.

 

 

  • Les garanties mises en place par la procedure calquées sur celles du secteur privé

Le texte prévoit la possibilité pour le fonctionnaire de se faire assister par un conseiller, tenu à une obligation de confidentialité (art. 3).

 

Cet entretien est conduit par l’autorité hiérarchique ou l’autorité territoriale ou l’autorité investie du pouvoir de nomination dont relève le fonctionnaire ou son représentant.

 

Au cours de l’entretien sont abordés :

 

– les motifs de la demande et le principe de la rupture conventionnelle ;
– la date de la cessation définitive des fonctions ;
– le montant envisagé de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;
– les conséquences de la cessation définitive des fonctions, c’est à dire le  bénéfice de l’assurance chômage.

 

L’entretien porte d’abord sur l’accord ou non des deux parties sur la proposition. En cas de désaccord de l’un ou de l’autre des parties, la procédure doit s’interrompre.

Plusieurs entretiens peuvent être organisés mais cela n’est pas obligatoire, un entretien peut suffire.

Le mécanisme est donc réellement calqué sur celui du privé avec un formalisme minimal destiné à s’assurer du consentement du fonctionnaire.

 

  • Une convention de rupture prévoit les modalités de la séparation.

Lorsque les 2 parties parviennent à un accord sur les conditions de la rupture conventionnelle, elles signent une convention de rupture selon un modèle de convention fixé par arrêté ministériel.

L’article 5 prévoit que « la signature de la convention a lieu au moins quinze jours francs après le dernier entretien ».

L’article 6 prévoit un droit de rétractation, « dans un délai de quinze jours francs, qui commence à courir un jour franc après la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle ».

 

  • Rupture conventionnelle des agents contractuels

 

Cette procédure de rupture conventionnelle s’applique également  aux agents contractuels :

 

– de la fonction publique de l’État (art. 9) ;
– de la Fonction publique territoriale (art. 10) ;
– de la Fonction publique hospitalière (art. 11).
– aux ouvriers des établissements industriels de l’État,
– aux praticiens en contrat CDI des établissements publics de santé.

 

Le décret prévoit des exclusions, à savoir la période d’essai, les licenciements et démissions, ainsi que les fonctionnaires détachés en qualité d’agents contractuels.

Concernant la procédure, elle est la même pour les agents contractuels que pour les fonctionnaires, notamment pour les entretiens prévus, la convention, ou les délais fixés.

Pour les trois versants, un chapitre « rupture conventionnelle » est ajouté aux décrets relatifs aux agents contractuels (D. n° 86-83, 17 janv. 1986 pour l’État, D. n° 88-145, 15 févr. 1988 pour la Fonction publique territoriale, D. n° 91-155, 6 févr. 1991 pour la Fonction publique hospitalière).

 

  • Montant de l’Indemnité Spécifique de Rupture Conventionnelle (ISRC).

 

Également publié le 1er janvier, le décret n° 2019-1596 fixe les règles de calcul de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Un montant plafond est déterminé, ainsi que des règles pour déterminer le montant plancher.

Le décret prévoit que l’indemnité ne peut pas être inférieure à un montant allant d’un quart de mois à trois cinquièmes de mois par année d’ancienneté, en fonction de l’ancienneté de l’agent (art. 2) et se calcule par pallier soit :

 

1/4 de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;
2/5 de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans et jusqu’à quinze ans ;
1/2 mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de quinze ans et jusqu’à vingt ans ;
3/5 de mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de vingt ans jusqu’à vingt-quatre ans.

 

Élément novateur par rapport à la rupture conventionnelle de droit privé, un montant plafond est également fixé, ne pouvant pas excéder « une somme équivalente à un douzième de la rémunération brute annuelle perçue par l’agent par année d’ancienneté, dans la limite de vingt-quatre ans d’ancienneté ». ( soit 1 mois de salaire brut par année d’ancienneté)

La rému­né­ra­tion brute de réfé­rence est celle de l’année civile pré­cé­dant la date d’effet de la rup­ture conven­tion­nelle.

Sont exclues de la rému­né­ra­tion brute de réfé­rence :

 

– les primes et indemnités qui ont le caractère de remboursement de frais,
– les majorations et indexations relatives à une affectation outre-mer,
– l’indemnité de résidence à l’étranger,
– les primes et indemnités liées au changement de résidence, à la primo-affectation, à la mobilité géographique et aux restructurations,
– les indemnités de jury ou d’enseignement,
– les indemnités non directement liées à l’emploi.

 

  • Quelles sont les conséquences pour l’agent de la signature d’une convention de rupture conventionnelle ?

 

La rupture conventionnelle entraîne la radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire.

Les agents ont le droit aux allocations chômage s’ils en remplissent les conditions d’attribution.

Attention , il ne s’agirait pas de conclure une rupture conventionnelle pour un fonctionnaire puis de se faire quelques temps après titulariser ou embaucher  au sein d’une une autre fonction publique.

L’article 72 de la loi prévoit une obligation pour tout fonctionnaire ayant bénéficié d’une indemnité de rupture conventionnelle, recruté à nouveau au sein de la Fonction publique dans « dans les six années suivant la rupture conventionnelle », devra rembourser « au plus tard dans les deux ans qui suivent le recrutement, les sommes perçues au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle ».

Plus d’informations : www.avocat-jalain.fr