La réduction de la clientèle à prospecter constitue-t-elle une modification du contrat de travail ?

En effet, il est de jurisprudence constante que la modification de tout élément de la rémunération constitue une modification du contrat de travail exigeant l’accord exprès du salarié (Cass. soc. 28 janvier 1998, n°95-40275).

Ainsi, par extension, toute modification d’une des conditions d’exécution du contrat de travail ayant un impact immédiat sur la rémunération, constitue une modification de la rémunération exigeant l’accord du salarié (sur la modification du secteur de prospection, déjà jugé : Cass. soc. 5 décembre 2001, n°99-45451).

En l’espèce, l’employeur avait réduit le champ géographique de prospection du salarié réduisant par la même le nombre de clients à visiter. Nécessairement le salarié n’avait plus les moyens de réaliser le chiffre d’affaires lui permettant d’obtenir la même rémunération.

La modification du champ géographique de prospection, en soi simple modification des conditions de travail pouvant être imposé au salarié, devient une modification du contrat exigeant son accord eu égard à ses effets sur la rémunération.

Maître JALAIN – Avocat en droit du travail au Barreau de Bordeaux

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Cass. soc. 12 février 2015, n°13-19309:

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 18 avril 2013), que M. X… a été engagé le 1er octobre 1979 par la société Mestrallet, aux droits de laquelle sont venues les sociétés HMI Grande cuisine Thirode puis Horis ; qu’en janvier 1999, le salarié a accepté la décomposition de son salaire de base en une partie fixe et une partie variable ; que le 15 décembre 2009, l’employeur lui a notifié ses objectifs commerciaux pour 2010 que l’intéressé a contestés en estimant qu’il s’agissait d’une modification « substantielle » de son contrat de travail ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ;

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt d’accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque les objectifs déterminant le montant de la rémunération variable du salarié sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié ; qu’au cas présent, la société Horis faisait valoir, sans être contestée, que les objectifs servant de base de calcul à la rémunération variable de M. X… étaient déterminés chaque année par l’entreprise et qu’il en résultait que celle-ci pouvait les modifier unilatéralement sans que M. X… puisse se prévaloir d’une quelconque modification de son contrat de travail, ni d’un quelconque manquement de l’employeur dès lors que les objectifs étaient réalisables et avaient été portés à sa connaissance en début d’exercice ; qu’en considérant néanmoins que les objectifs notifiés par le société Horis à M. X… par lettre du 15 décembre 2009 auraient caractérisé une modification du mode de calcul de la partie variable du salaire qui ne pouvait intervenir sans l’accord du salarié, la cour d’appel qui n’a pas recherché, comme cela lui était demandé, si la détermination des objectifs relevait du pouvoir de direction de l’employeur, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que lorsque les objectifs déterminant le montant de la rémunération variable du salarié sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, la fixation de nouveaux objectifs ne saurait caractériser un manquement de sa part dès lors que ces objectifs sont réalisables ; qu’en jugeant la fixation des objectifs de M. X… pour l’exercice 2010 caractérisait un manquement de la société Horis justifiant le prononcé de la résiliation judiciaire sans relever que les objectifs en question n’auraient pas été réalisables, ni l’impossibilité pour le salarié de pouvoir prétendre à la part variable de sa rémunération, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble l’article 1184 du code civil ;

3°/ que le fait que le document établi par l’employeur afin de fixer les objectifs annuels ait été établi en deux exemplaires et soumis à la signature du salarié destinataire n’a pas pour objet de contractualiser ces objectifs en recueillant le consentement du salarié, mais de s’assurer que celui-ci en a bien pris connaissance ; qu’au cas présent, l’annexe rémunération variable 2010 de M. X… mentionnait que « nous vous informons par la présente des conditions d’attribution de votre rémunération variable pour l’exercice 2010 » ; qu’il résultait expressément des termes de ce document que celui-ci n’avait qu’un caractère informatif et que l’exigence de signature du salarié n’avait pas pour objet de recueillir son consentement à une modification de son contrat de travail ; qu’en estimant que l’exigence de signature du document par le salarié aurait caractérisé l’existence d’une modification du contrat de travail, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant constaté que l’employeur avait procédé à l’exclusion d’un secteur et d’une catégorie importante de clientèle qui étaient auparavant prospectés par le salarié, la cour d’appel en a exactement déduit que cette réduction du périmètre de prospection, de nature à affecter la rémunération du salarié, emportait modification du contrat de travail que l’employeur ne pouvait imposer ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Horis aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Horis à payer à M. X… la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quinze. »