La diminution des responsabilités du salarié constitue une modification de son contrat

Dans un arrêt du 6 avril 2011, la cour da cassation vient de juger que la diminution importante des responsabilités et des prérogatives du salarié constitue une modification du contrat de travail.

La haute cour avait dejà jugée que la modification des tâches attribuées au salarié s’analysait en une modification du contrat de travail chaque fois qu’il en résulte une modification de sa qualification (Soc. 10 mai 1999, D. 1999. ).

A contrario, il était jugé que la modification des fonctions du salarié ressort, en revanche, du pouvoir de direction de l’employeur chaque fois qu’elle n’affecte pas sa qualification (Soc. 12 mai 2010) ce , à moins qu’elle ait des répercussions sur sa rémunération.

La presente decesion vient préciser que le changement des responsabilités du salarié constitue un indice fondamental pour apprecier l’intensité de la modification du contrat.


En l’espèce, un salarié qui s’était vu retirer toute responsabilité au niveau de la planification et de l’organisation des nombreuses années et s’était heurté à l’interdiction d’accéder à l’atelier.

En conséquence, le licenciement du salarié intervenu du fait du refus du salarié d’accepter la modification de son contrat de travail doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et serieuse.

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Soc. 6 avr. 2011, FS-P+B, n° 09-66.818

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé le 1er décembre 1989 par la société Ouest coating en qualité d’ingénieur ; que courant 2006, la société a souhaité faire évoluer les fonctions et les attributions du salarié qui s’y est refusé au motif qu’il s’agissait d’une rétrogradation ; que par lettre du 29 septembre 2006, l’employeur a mis le salarié en demeure d’accepter ses nouvelles conditions de travail ; qu’à la suite de son refus, l’employeur a, le 20 octobre 2006, procédé à son licenciement pour faute grave ; que contestant cette mesure et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, le salarié a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer diverses sommes à titre d’indemnité de licenciement, de dommages-intérêts, d’indemnité de préavis et congés payés afférents, alors selon le moyen :

1°/ que l’employeur est en droit, dans le cadre de son pouvoir de direction, de procéder à la réorganisation des tâches et des responsabilités confiées à un cadre dès lors qu’elles sont conformes à sa qualification et que restent inchangées sa classification et sa rémunération ; que le retrait de tâches qui correspondent à une responsabilité accessoire n’est pas constitutive d’une modification du contrat de travail ; qu’en l’espèce, la société Ouest coating a renforcé, en 2006, les responsabilités techniques et financières de M. X…, directeur adjoint de production : responsabilité générale des moyens de production et amélioration de produits, élaboration des procédures de maintenance, développement de l’atelier, amélioration des coûts de production, du rendement, de la gestion des stocks, etc. ; qu’en décidant cependant que le retrait de « la planification des ressources humaines et matérielles, le suivi de la fabrication, la formation du personnel de production et la maintenance générale » constituait une modification de son contrat de travail par diminution de ses responsabilités, tout en constatant qu’une telle réorganisation de ses tâches et responsabilités n’avaient pas eu de répercussion sur sa qualification et sa rémunération, la cour d’appel a violé l’article L. 1221-1 du code du travail ;

2/ que n’est pas constitutive d’une modification du contrat de travail d’un supérieur hiérarchique, le transfert à son subordonné de missions qui lui étaient antérieurement confiées, dès lors qu’il conserve son autorité et que restent inchangées sa qualification, sa classification et sa rémunération ; qu’en décidant que le retrait de la responsabilité de la planification et de l’organisation des ressources humaines et matérielles de l’atelier production à M. X…, directeur adjoint de production, constituait une modification de son contrat de travail, tout en constatant que cette responsabilité avait été confiée à M. Y…, chef d’atelier production, sur lequel M. X…, son supérieur hiérarchique conservait tout contrôle, et que le transfert de cette responsabilité n’avait eu aucune répercussion sur sa qualification et sa rémunération, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a encore violé l’article L. 1221-1 du code du travail ;

3/ que la lettre de licenciement reprochait à M. X… d’une part son refus de la modification de ses conditions de travail et d’autre part « (son) attitude récurrente d’opposition et/ ou de critique ainsi que (son) incorrection constatée à de trop nombreuses reprises » ; qu’en énonçant que M. X… n’a pas été licencié à cause de son comportement mais pour refus d’accepter le changement de fonctions rendu nécessaire à la fois par la nouvelle organisation mise en oeuvre et par son attitude, la cour d’appel a méconnu les termes du litige tels que fixés par la lettre de licenciement et a violé l’article L. 1232-6 du code du travail ;

4°/ qu’une pétition signée par les salariés, quand bien même serait-elle dactylographiée par l’employeur, n’est pas en soi irrégulière et constitue un mode valable de preuve ; qu’en écartant la pétition du 26 juillet 2006 signée par la quasi-totalité des salariés de la société Ouest coating qui attestaient du comportement agressif et grossier de M. X… tant à l’égard du personnel que de la direction de l’entreprise, au motif qu’elle aurait été dactylographiée par la direction, la cour d’appel a violé ensemble les articles 1315 du code civil et l’article 202 du code de procédure civile ;

5/ qu’en toute hypothèse, en ne précisant pas si elle statuait en fait ou en droit pour écarter la pétition dactylographiée, signée par la quasi-totalité des salariés et produite par la société Ouest coating, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1315 du code civil ;

6/ qu’au nombre des attestations de salariés versées aux débats par la société Ouest coating, M. Z… indique « depuis le mois de mars 2006, M. X… porte un désintérêt total aux activités de Ouest coating, ainsi que de ne pas respecter la venue de clients importants en ayant une attitude néfaste (pieds sur le bureau, bras derrière la tête), etc » et fait état « d’un conflit avec la direction et les ouvriers dans le but de déstabiliser l’organisation » ; que M. A… atteste que M. X… « aimait mieux regarder Internet ou mettre les pieds sur le bureau quand les clients venaient visiter Ouest coating » et que son but était de couler la société ; qu’à 57 ans, M. X… lui avait dit « moi maintenant je m’en fous, pourvu qu’ils me virent pour toucher une bonne prime de licenciement » ; que M. B… fait état de divers manquements de M. X… : « attitude despotique avec le personnel atelier, manque de respect envers ses subalternes, attitude caractérielle entraînant des situations relationnelles très délicates, réfractaire à tout changement d’organisation ou d’amélioration des conditions de travail, peu impliqué dans l’activité atelier et la formation des nouveaux personnels » ; qu’en écartant toutes les attestations au motifs qu’elles ne font état d’aucuns faits précis, circonstancié et daté, la cour d’appel les a dénaturées et a violé l’article 1134 du code civil ;

7°/ que caractérise une faute grave du salarié, son attitude systématique d’opposition à la direction ainsi que son incorrection et les provocations répétées à l’égard de collègues de travail ; que la société Ouest coating a fait valoir que l’attitude provocatrice et injurieuse de M. X… à l’égard du personnel et de la direction de l’entreprise, alors âgé de 57 ans, était dictée par son intention de quitter l’entreprise en créant artificiellement, en 2006, un grief de licenciement ; qu’en se bornant à relever que M. X… n’avait jamais fait l’objet de remarques ou d’observations en 17 ans de carrière, ou encore qu’il aurait été lui-même victime de deux incidents, pour en déduire qu’aucune faute de sa part n’est caractérisée sans s’expliquer sur la volonté de M. X… de créer artificiellement un motif de licenciement, en adoptant un comportement volontairement agressif, provocateur et injurieux, constitutif d’une faute grave, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel a constaté que, d’une part, le salarié, s’était vu retirer notamment toute responsabilité au niveau de la planification et de l’organisation des ressources humaines et matérielles, avait cessé d’avoir les fonctions d’encadrement qu’il assurait depuis de nombreuses années et s’était heurté à l’interdiction d’accéder à l’atelier, et, d’autre part, que la planification des ressources matérielles, le suivi de la fabrication, la formation du personnel de production et la maintenance générale avaient été confiées à un autre salarié ; que la cour d’appel a pu en déduire qu’une telle diminution des responsabilités et des prérogatives du salarié constituait une modification du contrat de travail ;

Attendu, ensuite, que recherchant la véritable cause du licenciement, la cour d’appel a retenu que le salarié n’avait pas été licencié à cause de son comportement mais en raison de son refus d’accepter la modification du contrat de travail ;

Attendu, enfin, qu’après avoir examiné, sans les dénaturer ni être tenu de s’expliquer sur ceux qu’elle décidait d’écarter, les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, a, dans l’exercice du pouvoir qu’elle tient de l’article L. 1235-1 du code du travail, estimé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Mais, sur le troisième moyen :

Vu l’article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 ;

Attendu qu’il résulte de ce texte que, pour les entreprises dont l’effectif était au plus égal à vingt salariés à la date de promulgation de la loi, dans l’attente de la convention ou de l’accord collectif fixant, conformément à l’article L. 212-5 du code du travail, le taux de majoration applicable aux heures supplémentaires, le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires applicables aux entreprises de vingt salariés au plus était fixé, par dérogation aux dispositions de cet article, à 10 % ;

Attendu que pour condamner l’employeur à payer une certaine somme à titre de rappel de salaire, l’arrêt retient que compte tenu des dispositions de la loi Aubry II et de la loi du 31 mars 2005, qui a prolongé le régime transitoire prévoyant un taux de bonification dans les entreprises de un à vingt salariés, M. X… est fondé à obtenir un rappel de salaire à ce titre pour l’année 2006, l’effectif de la société ne dépassant pas vingt salariés les années précédentes ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’effectif de l’entreprise doit être apprécié au 31 mars 2005, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu’en application de l’article 627 du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, en ce qu’il a condamné la société Ouest coating à payer à M. X… la somme de 683, 53 euros au titre de rappels de salaire liés à la bonification des heures supplémentaires, l’arrêt rendu le 2 avril 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;