La confirmation par le médecin du travail de l’inaptitude à tout poste ne vaut toujours pas dispense de recherche de reclassement

Selon une règle bien établie, le fait que le médecin du travail délivre un avis d’inaptitude à tout poste ne dispense pas l’employeur de chercher à reclasser le salarié concerné, au besoin par des mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail (cass. soc. 9 juillet 2008).

 

Mais le juge a aussi précisé que, dans le cadre des échanges qui interviennent ensuite entre le médecin du travail et l’employeur pour trouver une solution de reclassement, les réponses apportées par le médecin pouvaient être utilisées par l’employeur pour montrer qu’il avait bien satisfait à son obligation de reclassement (cass. soc. 15 décembre 2015, n° 14-11858)).

 

De là à en déduire, que si, dans le cadre de ces échanges, le médecin du travail maintient que le salarié est inapte à tout poste, l’employeur peut s’estimer dispensé de tout effort de reclassement, il n’y a qu’un pas, qu’il ne faut pas évidemment franchir.

 

Il a en effet été jugé dans un arret du 3 mai 2018 que  « Si les réponses apportées par le médecin du travail postérieurement au constat d’inaptitude, sur les possibilités éventuelles de reclassement du salarié déclaré inapte, concourent à la justification par l’employeur de l’impossibilité de remplir cette obligation, elles ne dispensent pas cet employeur de toute recherche de reclassement ».

 

Dans une première affaire, après l’avis d’inaptitude d’un de ses salariés, l’employeur avait sollicité le médecin du travail afin d’être éclairé précisément sur l’existence d’activités ou de tâches compatibles avec l’état de santé du salarié. A la suite de la réponse négative du médecin du travail, l’employeur avait, dans ces conditions, procédé au licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement du salarié.

 

 

Dans une autre affaire, une secrétaire commerciale déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise, l’employeur s’était livré à une étude du poste de l’intéressé.

 

Puis, sur la base de cette étude, il avait consulté le médecin du travail, qui lui avait confirmé que la salariée était inapte à tout poste. L’employeur s’était alors cru autorisé à licencier l’intéressée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Pour l’employeur, la réponse négative du médecin du travail suffisait à justifier l’impossibilité de reclassement. Or, il apparaissait dans la lettre de licenciement  que l’employeur s’était dispensé de toute recherche de reclassement préalable au licenciement pour inaptitude, au vu de  cet avis médical défavorable.

 

Ainsi, pour la cour de cassation, peu importe la confirmation par le médecin du travail de l’inaptitude de la salariée à tout poste dans l’entreprise : l’employeur doit explorer les possibilités de reclassement, au besoin par des transformations, des aménagements ou des adaptations des postes existants, des mutations ou des mesures d’aménagement du temps de travail.

 

C’est donc par une décision fondée juridiquement  que, dans cette affaire, la cour d’appel a conclu à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cass. soc. 24 octobre 2018, n° 17-17836  dans le même sens que l’arrêt cass. soc. 3 mai 2018 n° 17-10234 D)

 

Rappelons que la loi TRAVAIL a institué deux cas   dans lequels l’employeur peut s’abstenir de toute tentative de reclassement lorsque  le médecin du travail indique expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (c. trav. art. L. 1226-2-1 et L. 1226-12).

 

 

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Cass. soc. 24 octobre 2018, n° 17-1783

 

« Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner en conséquence au paiement de dommages et intérêts à ce titre alors, selon le moyen, que si l’avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout poste dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur de son obligation légale de recherche de reclassement au sein de cette entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, les réponses apportées postérieurement au constat régulier de l’inaptitude par ce médecin sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l’employeur de l’impossibilité de reclassement ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que postérieurement à son avis d’inaptitude à tout poste dans l’entreprise, le médecin du travail, consulté par l’employeur quant aux mesures envisageables pour reclasser la salariée suite à l’étude du poste occupé par elle et les autres assistantes commerciales qu’il avait réalisée, avait confirmé que Mme X… était inapte à tout poste dans l’entreprise, ce dont il s’évinçait qu’aucun reclassement par mutation, transformation de son poste ou aménagement de son temps de travail n’était envisageable ; qu’en jugeant que l’employeur ne l’établissait pas, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l’article L. 1226-2 du code du travail ;

 

Mais attendu que, si les réponses apportées par le médecin du travail postérieurement au constat d’inaptitude, sur les possibilités éventuelles de reclassement du salarié déclaré inapte concourent à la justification par l’employeur de l’impossibilité de remplir cette obligation, elles ne dispensent pas cet employeur de toute recherche de reclassement ;

 

Et attendu que la cour d’appel a constaté que l’employeur s’était dispensé de toute recherche de reclassement préalable au licenciement pour inaptitude, au besoin par des mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagements du temps de travail ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé » ;

 

 

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute la salariée de sa demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, l’arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt.