Indemnisation de la faute inexcusable : les souffrances physiques et morales doivent être distinctes de celles réparées au titre du déficit fonctionnel permanent

La Cour de cassation dans un arrêt du 17 juin 2021 rappelle que, distinctement de la rente versée à la victime d’un accident du travail qui indemnise les pertes de gains professionnels, l’incidence professionnelle de l’incapacité ainsi que le déficit fonctionnel permanent, l’article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale répare les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent.

 

Qu’à ce titre, les juges du fond doivent démonter en quoi les souffrances physiques et morales endurées par la victime étaient distinctes de celles réparées au titre du déficit fonctionnel permanent.

 

Pour rappel,

 

La notion de faute inexcusable est une notion prétorienne dont les conséquences indemnitaires sont prévues à l’article L. 452-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale.

 

Ainsi,

 

« Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants… »

 

La Cour de cassation considère que la faute inexcusable de l’employeur est constituée par la réunion de l’inexécution de l’obligation de sécurité et du cumul entre la conscience du danger et l’inaction de l’employeur :

 

« Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». (Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-10.051, FP-P+B+R+I A0806AYI).

 

Le bénéfice de la faute inexcusable de l’employeur est de droit pour le salarié qui serait victime d’un accident ou une maladie professionnelle alors que lui-même ou un membre du CSE avait signalé à l’employeur le risque qui s’est matérialisé (C. trav., art. L. 4131-4; Cass. soc., 17 juillet 1998, n° 96-20.988).

 

Ainsi, la victime qui a transmis à son employeur, une lettre anonyme de menaces d’agression physique à son encontre, bénéfice de la faute inexcusable de droit, la transmission de ce courrier représentant le signalement d’un risque avéré (Cass. civ. 2, 8 juillet 2021, n° 19-25.550, F-B).

 

En l’espèce, un ancien mineur de fond a adressé une déclaration de maladie professionnelle (silicose) à la Caisse autonome nationale de Sécurité sociale dans les mines. Cette dernière a pris en charge cette maladie et a reconnu un taux d’incapacité partielle de 5 %, porté à 70 % à la suite du diagnostic d’un cancer broncho-pulmonaire.

 

La victime a alors saisi une juridiction de Sécurité sociale d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

 

Pour fixer à une certaine somme l’indemnisation des souffrances physiques et morales endurées par la victime, la Cour d’appel relève que la silicose dont celle-ci était atteinte a évolué vers une pathologie plus grave, à savoir un cancer broncho-pulmonaire primitif ayant conduit à une réévaluation de son taux d’incapacité permanente partielle, et que l’intéressée a subi de lourds traitements visant à combattre et à faire régresser ce cancer.

 

L’arrêt retient ensuite que les souffrances physiques et morales liées à ces soins et à leurs effets secondaires ont constitué un préjudice distinct qui n’a pas été indemnisé par la rente servie à la victime jusqu’à son décès (CA Metz, 7 février 2019, n° 17/02210).

 

A ce titre, elle retient que la victime était âgée de 66 ans quand a été posé le diagnostic d’une pathologie irréversible due à la présence de poussière de silice dans ses poumons et elle constate la forte inquiétude causée par cette annonce sur le salariée.

 

Elle en déduit qu’un préjudice spécifique distinct est démontré et doit donc être indemnisé.

 

Dans son arrêt du 17 juin la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond, au motif qu’

 

 «  En statuant ainsi, par des motifs impropres à démontrer en quoi les souffrances physiques et morales endurées par la victime étaient distinctes de celles réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

 

Cass. civ. 2, 17 juin 2021, n° 19-15.065, F-D

 

Ainsi,

 

« il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 du Code de la Sécurité sociale que la rente versée à la victime d’un accident du travail indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent ; sont réparables en application de l’article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale, les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ; à cette fin, les juges du fond doivent démonter en quoi les souffrances physiques et morales endurées par la victime étaient distinctes de celles réparées au titre du déficit fonctionnel permanent. »