Inaptitude physique consécutive à des faits de harcèlement moral

Lorsque l’inaptitude physique du salarié trouve son origine dans des faits de harcèlement moral dont il a été victime de la part de son employeur, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est nul (c. trav. art. L. 1152-2 Cass. soc. 12 mai 2010)

Dans cette première espèce, la salariée a été licenciée pour motif personnel disciplinaire, et contestait la rupture de son contrat.

Critiquant le motif de licenciement, elle ajoutait aux demandes une réclamation relative au harcèlement dont elle serait victime.

Elle indiquait avoir été mise à pied et convoquée à un entretien préalable, au cours duquel elle a alors fait état de faits d’un harcèlement sexuel et moral de la part de son supérieur hiérarchique ; Elle ffaisait grief au Juge du fond d’avoir retenu que son licenciement reposait bien sur une faute grave sans rechercher si la cause véritable de la rupture ne résidait pas plutôt dans son refus de subir les faits de harcèlement moral et sexuel.

La Cour de cassation a rejeté son recours : la Cour d’appel, qui a retenu que les faits fautifs reprochés à la salariée étaient établis et constituaient une faute grave, a par là même décidé que le licenciement n’avait pas d’autre cause que celle mentionnée dans la lettre de licenciement. Par contre alors qu’il résultait de ses constatations que des enveloppes contenant des documents et montages photographiques à caractère sexuel avaient été adressés à la salariée et qu’elle avait été soignée à raison de faits survenus au travail, éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral ou sexuel, et encore que l’employeur n’établissait pas que ces agissements n’étaient pas constitutifs d’un tel harcèlement, le Juge du fond aurait dû examiner les demandes relatives au harcèlement, distinctement de celles relatives au licenciement.

Cass. Soc., 12 mai 2010, pourvoi n° 09-40.910, inédit.

Dans cette deuxième espèce un salarié a été licencié pour inaptitude physique à l’emploi sans possibilité de reclassement ;

Il prétentait alors que cette inaptitude médicale, à l’origine de la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, etait la conséquence d’un harcèlement moral et engagait donc un contentieux en vue de voir prononcer la nullité de ce licenciement, avec toutes conséquences indemnitaires puisuq’il ne demande pas sa réintégration. On ignore si le salarié avait demandé la reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (en vue notamment d’obtenir le complément d’indemnisation sociale liée à la faute inexcusable de l’employeur),

Or c’estsur ce fondement que le demandeur ici sollicitait la condamnation de l’employeur, et ce alors même que la rupture se fondait objectivement sur l’inaptitude physique du salarié, constatée par le Médecin du travail.

En d’autres termes, la question qui se posait au Juge, consistait à savoir si l’on peut étendre la nullité exceptionnellement prévue par la règlementation sociale, à des cas non-visés expressément par cette sanction.

La Cour de cassation admet cette extension, confirmant ainsi une jurisprudence déjà établie.

La Cour de cassation estime que l’ensemble de ces éléments permettait de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Par ailleurs, l’employeur ne produisait aucun élément établissant que le harcèlement n’était pas constitué. Par conséquent, la Cour a retenu que l’inaptitude médicale du salarié résultait du harcèlement moral dont il avait fait l’objet, ce dont il découlait que le licenciement était nul.

Maître JALAIN – Droit du Travail

Avocat au Barreau de Bordeaux

N° de pourvoi: 08-70382

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X…, engagée le 10 mai 1982 par la société SNIG, devenue Agintis, acheteuse depuis janvier 1984, a été mise à pied et convoquée à un entretien préalable le 27 février 2004 ; qu’elle a alors fait état de faits d’un harcèlement sexuel et moral de la part de son supérieur hiérarchique, M. Y… ; qu’elle a été licenciée pour faute grave le 16 mars 2004 ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de dire que son licenciement repose sur une faute grave et de la débouter de ses demandes alors, selon le moyen, qu’en ne recherchant pas si la cause véritable du licenciement de Mme X… ne résidait pas dans son refus de subir les faits de harcèlement moral et sexuel de la part de M. Y…, que la cour d’appel avait, à tort, cru pour pouvoir écarté, celle-ci a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1232-1 du code du travail, ensemble les articles L. 1152-1 et L. 1153-1 et L. 1153-2 du même code ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui a retenu que les faits fautifs reprochés à la salariée étaient établis et constituaient une faute grave, a par là même décidé que le licenciement n’avait pas d’autre cause que celle mentionnée dans la lettre de licenciement ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l’article L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu que pour débouter Mme X… de ses demandes au titre d’un harcèlement moral et sexuel, l’arrêt retient que les éléments versés aux débats ne permettent pas d’acquérir la conviction que M. Y… a commis des actes de harcèlement moral ou sexuel à l’encontre de Mme X… ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que des enveloppes contenant des documents et montages photographiques à caractère sexuel avaient été adressés à la salariée et qu’elle avait été soignée à raison de faits survenus au travail, éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral ou sexuel, et que les défendeurs n’établissaient pas que ces agissements n’étaient pas constitutifs d’un tel harcèlement, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme X… de ses demandes au titre d’un harcèlement moral et sexuel, l’arrêt rendu le 14 octobre 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble ;

N° de pourvoi: 09-40910


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 19 décembre 2008), que M. X…, engagé le 1er mars 1973 par la Société européenne de travaux ferroviaires (ETF), et en dernier lieu conducteur d’engin principal, a été licencié le 14 novembre 2005 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Attendu que la société ETF fait grief à l’arrêt de dire que l’inaptitude médicale de M. X… était la conséquence d’un harcèlement moral, en conséquence de prononcer la nullité du licenciement et de la condamner à payer diverses indemnités, alors, selon le moyen :

1°/ qu’il incombe au salarié, qui ne peut se constituer une preuve à lui-même, d’établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la partie défenderesse devant seulement, au vu de ces éléments, prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement ; que pour conclure à l’existence du harcèlement moral allégué par M. X…, la cour d’appel s’est fondée sur une lettre émanant de l’intéressé lui-même, adressée à la société ETF, alléguant un harcèlement moral dont il ferait l’objet ; qu’en se fondant sur un élément probatoire émanant de l’intéressé lui-même, la cour d’appel a méconnu le principe susvisé, privant son arrêt de base légale au regard des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ qu’en prenant en considération le contenu d’une lettre anonyme, non datée, adressée par une personne se prétendant collègue de travail de M. X…, et faisant état des préférences équines de ce dernier, la cour d’appel, en se fondant sur cet élément isolé et insuffisant à lui seul, en l’absence de répétition, à établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral, a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°/ que seuls les témoignages directs relatant des faits personnellement constatés par leur auteur sont admissibles aux débats ; qu’en se fondant sur les observations du médecin traitant de M. X…, relatant ses affirmations, qu’il ne pouvait pourtant contrôler, la cour d’appel a méconnu la règle susvisée et privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d’appel qui a constaté que le salarié avait dénoncé, dans une lettre adressée à l’employeur, des faits de harcèlement dont il affirmait être victime, qu’il avait reçu un billet anonyme au contenu odieux et que l’altération de son état de santé avait nécessité deux arrêts de travail, a pu décider que l’ensemble de ces éléments permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral, de sorte qu’ayant constaté que l’employeur ne produisait aucun élément établissant que le harcèlement n’était pas constitué, elle a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;