Harcèlement moral : l’employeur doit mettre en oeuvre la procédure disciplinaire

L’article 1332- 4 du code du travail indique qu’ aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Dans l’espèce, un salarié, responsable d’établissement, est licencié pour faute grave, après mise à pied conservatoire, après qu’un jugement prud’homale ait caractérisé des faits de harcèlement moral de sa part à l’encontre d’un membre du personnel de l’entreprise.

Le salarié licencié saisit le conseil des prud’hommes à son tour, estimant que les faits reprochés sont prescrits. Il demande que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse et réclame des indemnités.

La cour de cassation juge que le fait que la victime ait engagé immédiatement une action prud’homale aux fins d’indemnisation n’a aucune incidence sur le cours du délai de prescription légal, qui n’est ni suspendu ni interrompu. L’employeur ne doit donc pas attendre l’issue de cette instance pour convoquer le responsable à un entretien préalable. Les Hauts magistrats exigent qu’il mène ses propres investigations en parallèle.

De ce fait, considérant l’abstention fautive de l’employeur et en l’absence de faits fautifs nouveaux, la procédure de licenciement avait bien été engagée tardivement.

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Cass. soc., 29 juin 2011, n°09-70.902

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 septembre 2009) que M. X… a été engagé le 1er janvier 1987 par l’association Fédération unie des auberges de jeunesse, puis est devenu directeur de son établissement de Marseille à compter du 4 janvier 1993 ; qu’à la suite d’un jugement du conseil des prud’hommes de Marseille du 7 décembre 2005 ayant déclaré les faits de harcèlement moral et sexuel de la part de M. X… constitués à l’égard d’une salariée, il a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement le 16 décembre 2005 avec mise à pied conservatoire et licencié pour faute grave le 12 janvier 2006 ;

Attendu que l’association fait grief à l’arrêt de dire ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner en conséquence à payer à M. X… des dommages-intérêts et diverses indemnités, alors, selon le moyen :

1°/ que le délai de prescription de deux mois ne court que du jour où l’employeur peut être assuré de la réalité des faits fautifs qu’il doit sanctionner ; que la seule circonstance qu’un salarié ait accusé un autre salarié de harcèlement à son encontre ne suffit pas à déclencher le délai de deux mois, une dénonciation non vérifiée et contestée par le prétendu auteur des faits ne pouvant à elle seule faire courir le délai ; qu’en affirmant que le délai de prescription courait du jour d’une simple dénonciation, la cour d’appel a violé l’article L. 1332-4 du code du travail ;

2°/ que, lorsque le salarié qui se plaint de harcèlement a saisi immédiatement le conseil de prud’hommes aux fins de dommages-intérêts à raison des faits qu’il allègue, l’employeur est fondé à attendre l’issue de la procédure prud’homale en cours et le jugement devant se prononcer sur la réalité des faits allégués, avant de prendre une sanction à raison des faits jusque-là contestés ; que la cour d’appel a encore violé l’article L. 1332-4 du code du travail, outre l’article 1351 du code civil ;

3°/ que la circonstance que l’employeur doit prévenir d’éventuels agissements de harcèlement, si elle crée une obligation à l’égard du salarié éventuellement victime de tels actes, n’entraîne pas pour autant et nécessairement une obligation de licenciement immédiat à l’encontre du salarié accusé, le bien-fondé d’une sanction disciplinaire restant subordonné à !a démonstration des faits allégués ; que la cour d’appel a statué par motifs inopérants et violé par fausse application les articles L. 1152-5 et L. 1153-6 du code du travail ;

4°/ qu’à supposer qu’elle ait été avertie des faits allégués par Mme Y… au cours de l’instance prud’homale, en se fondant sur la seule circonstance qu’elle « ne conteste pas sérieusement avoir soutenu lors de celle-ci que les faits dénoncés par cette salariée n’étaient pas établis », sans constater qu’elle avait eu une connaissance exacte d’actes caractérisés de harcèlement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1332-4 du code du travail ;

5°/ qu’elle a fait valoir que son siège est situé à Paris, et que M. X…, directeur de l’auberge de jeunesse située à Marseille, lui avait dissimulé les courriers de Mme Y… dénonçant le harcèlement dont elle aurait été victime, se bornant à lui faire part de réclamations portant sur sa rémunération ; qu’en se bornant à dire que la FUAJ n’aurait pas donné suite aux courriers qui lui avaient été adressés par Mme Y… pour en déduire que le délai de prescription avait expiré deux mois après l’envoi des lettres reçues par l’employeur dans le courant de l’année 2004, sans s’expliquer ni sur le contenu de celles-ci, ni sur la dissimulation opérée par M. X…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1332-4 du code du travail ;

Mais attendu que l’arrêt relève que l’employeur avait eu connaissance de l’existence éventuelle de faits de harcèlement moral et sexuel reprochés au salarié dès sa convocation le 18 juin 2004 devant le bureau de conciliation et qu’il s’était borné à en dénier la réalité dans le cadre de l’instance prud’homale, en omettant d’effectuer les enquête et investigations qui lui auraient permis d’avoir, sans attendre l’issue de la procédure prud’homale l’opposant à la victime, la connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l‘ampleur des faits reprochés à M. X… et de prendre les mesures appropriées ; qu’en l’état de ces motifs caractérisant l’abstention fautive de l’employeur et en l’absence de faits fautifs nouveaux, la cour d’appel a exactement décidé que la procédure de licenciement avait été engagée tardivement ; qu’elle a ainsi, par ce seul motif, justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;