Déclaré inapte, à quel poste mon employeur peut-il me reclasser ?

Lorsqu’un salarié victime d’un accident du travail est déclaré inapte par le médecin du travail à la reprise du poste qu’il occupait avant son accident du travail, l’employeur a à sa charge une obligation de reclassement.

L’article L 1226-10 du Code du Travail précise l’étendue de cette obligation de reclassement.

Cet article contraint l’employeur à proposer tout d’abord un poste approprié aux capacités du salarié. A ce titre, l’alinéa second de cet article précise que l’employeur doit suivre les conclusions du médecin du travail.

Cet article pose ensuite l’exigence selon laquelle l’emploi que propose l’employeur doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé et en ce sens l’employeur peut procéder par voie de mutation , transformation de postes ou aménagement de temps de travail pour satisfaire cette condition.

La cour de cassation, dans un arrêt du 7 mars 2012, se montre particulièrement soucieuse du respect de cette obligation par l’employeur et apporte des éclaircissements sur l’intensité de cette obligation.

En l’espèce, un salarié ayant subi un accident du travail est déclaré inapte par le médecin du travail au poste de cariste qu’il occupait. Le médecin du travail recommande son reclassement sur un poste moins exposé.

En accord avec les recommandations du médecin du travail, l’employeur reclasse le salarié à un poste de guichetier avec avis conforme du médecin du travail et des délégués du personnel.

L’employeur prenait alors soin de dispenser une formation au salarié quant à ses nouvelles fonctions d’une durée bien supérieure à celle dispensée aux nouveaux arrivants de l’entreprise.

Or, la chambre sociale de la cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir considéré que le poste n’était pas approprié aux capacités du salarié et confirme la nullité du licenciement.

Force est de constater que cette sanction de nullité parait difficilement compréhensible dans la mesure ou en l’espèce le salarié n’était pas dans une période de suspension comme le prévoit l’article 1226-3 du Code du Travail.

Ainsi, le licenciement aurait simplement du être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse mais assorti d’une sanction pécuniaire spécifique, conformément aux termes de l’alinéa 3 de l’article L 1226-15 du Code du travail.

En toute hypothèse cet arrêt réaffirme la sévérité de la cour de cassation dans le cadre de l’appréciation des postes proposés au salarié inapte.

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Cour de cassation

chambre sociale

7 mars 2012

N° de pourvoi: 11-11311

« COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 octobre 2010), que M. X… a été engagé par la société Ciffreo Bona à compter du 10 juillet 2000 en qualité de cariste ;

que le 22 avril 2002, il a été victime d’un accident du travail à la suite duquel il a été placé en arrêt de travail ; que le 4 février 2005, à l’issue d’une seconde visite médicale de reprise, le médecin du travail l’a déclaré « inapte au poste de magasinier cariste. Salarié à reclasser en fonction des indications émises sur la fiche d’aptitude du 21 janvier 2005. Peut effectuer des tâches simples en position assise ou debout telles que des tâches administratives, standard téléphonique et activité commerciale » ;

que M. X… a été reclassé le 7 mars 2005 sur un poste de guichetier avec avis conforme du médecin du travail et des délégués du personnel ;

qu’après convocation à un entretien préalable du 3 mai 2005, il s’est vu notifier son licenciement le 23 mai suivant pour inaptitude au poste de guichetier et insuffisance professionnelle ;

qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande principale en annulation du licenciement ;

Attendu que la société Ciffreo Bona fait grief à l’arrêt d’accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que le simple fait qu’un salarié victime d’un accident du travail, reclassé sur un nouveau poste conformément à l’avis du médecin du travail, ne puisse, en dépit d’une formation professionnelle, occuper cet emploi, ne suffit pas à caractériser une inadaptation de ce nouveau poste aux capacités professionnelles du salarié ;

qu’en l’espèce, M. X…, victime d’un accident du travail le 22 avril 2002, a été reclassé sur un poste de guichetier pour lequel il a été déclaré apte par le médecin du travail, après avis favorable des représentants du personnel ;

qu’une formation professionnelle de plusieurs semaines lui a été délivrée par l’employeur pour permettre d’exercer ses nouvelles fonctions ;

que pour annuler son licenciement pour insuffisance professionnelle, la cour d’appel a retenu que sa formation était inefficace car il s’agissait d’assurer une formation initiale qui faisait défaut au salarié et que la prétendue insuffisance professionnelle résultait de l’inadaptation du poste aux capacités professionnelles du salarié ;

qu’en se déterminant par ce seul motif, qui ne permet pas d’établir une inadaptation du nouveau poste aux capacités professionnelles du salarié, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 1226-10 et L. 4624-1 du code du travail ;

2°/ que le juge ne peut écarter l’argumentation d’une partie sans s’être expliqué, fût-ce sommairement, sur les éléments de preuve invoqués et produits par celle-ci à son soutien ;

qu’en l’espèce, la société Ciffréo Bona a produit non seulement de nombreux documents établissant les fautes commises par M. X… dans son nouvel emploi mais aussi des attestations permettant d’établir que la formation au poste sur lequel M. X… avait été reclassé durait normalement une semaine, que le salarié avait bénéficié d’une formation pendant un mois et demi, qu’il ne s’était pas montré motivé et avait indiqué qu’il aurait préféré être licencié ;

qu’en annulant la décision de licenciement, sans s’expliquer sur ces attestations permettant d’établir que le licenciement pour insuffisance professionnelle était justifié, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que lorsque le salarié à la suite d’un accident du travail est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l’emploi précédent, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ;

Et attendu qu’après avoir relevé par motifs propres et adoptés, que l’emploi de reclassement proposé au salarié n’était pas accessible à celui-ci malgré une formation professionnelle, que celle délivrée en binôme sur le poste pendant quarante-cinq jours s’était avérée inefficace dans la mesure où c’est une formation initiale qui faisait défaut à l’intéressé lequel avait des aptitudes manuelles mais aucune compétence en informatique et comptabilité,

la cour d’appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que le poste proposé pour le reclassement n’était pas approprié aux capacités du salarié ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; »