Convention de reclassement personnalisée et appréciation de la cause économique réelle et sérieuse
Dans un arrêt du 9 decembre 2009, la cour de cassation rappelle que la rupture du contrat de travail résultant de l’acceptation par le salarié d’une convention de reclassement personnalisé doit avoir une cause économique réelle et sérieuse.
L’appréciation de cette cause ne peut résulter que des motifs énoncés par l’employeur dans une lette de licenciement.
Cass. soc., 2 décembre 2009, n°08-44.656
« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X… engagée le 27 décembre 2005 en qualité de vendeuse par la société Sofra, a adhéré le 30 janvier 2007 à une convention de reclassement personnalisée proposée par son employeur après un entretien préalable à un licenciement pour motif économique ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l’arrêt de limiter le montant de l’indemnité de licenciement, alors, selon le moyen, que le salarié qui accepte la convention de reclassement personnalisé reçoit l’indemnité de licenciement, qui doit nécessairement prendre en compte la durée du préavis non effectué ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 1234-9 et L. 1233-67 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d’appel a retenu, à bon droit, qu’en cas d’acceptation par le salarié d’une convention de reclassement personnalisé, la rupture du contrat de travail ne comporte pas de préavis et décidé que l’indemnité de licenciement devait être calculée en tenant compte de l’ancienneté acquise par Mme X… à la date de la rupture ; que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1233-39 et L. 1233-67 du code du travail ;
Attendu que pour débouter Mme X… de ses demandes relatives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel retient que si l’adhésion de la salariée à une convention de reclassement personnalisée ne la privait pas de la possibilité d’en contester le motif économique, cette adhésion dispensait l’employeur de l’obligation de lui adresser une lettre de licenciement comportant l’énonciation des motifs économiques ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la rupture du contrat de travail résultant de l’acceptation par le salarié d’une convention de reclassement personnalisé doit avoir une cause économique réelle et sérieuse et que l’appréciation de cette cause ne peut résulter que des motifs énoncés par l’employeur dans un document écrit, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute Mme X… de ses demandes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 10 septembre 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;
Condamne M. Y…, ès qualités, aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y…, ès qualités, à payer à Mme X… la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils pour Mme X…
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Mademoiselle Sylvie X… de sa demande tendant à la condamnation de la Société SOFRA à lui payer la somme de 25.000 de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE l’article L.1233-67 du Code du travail prévoit que si le salarié accepte la convention de reclassement personnalisé, le contrat de travail est rompu d’un commun accord des parties ; que Mademoiselle X… ayant accepté le 30 janvier 2007 la convention de reclassement personnalisé que lui proposait son employeur, son contrat de travail se trouve rompu d’un commun accord ; que certes, cet accord ne la prive pas de la possibilité d’en contester le motif économique ainsi que l’absence de recherche de reclassement ; qu’il dispense toutefois son employeur de l’obligation de lui adresser la lettre de licenciement prévue à l’article L.1233-39 du Code du travail avec énonciation des motifs économiques prescrit par l’article L.1233-42 du même code ; que selon l’article L.1233-3 du Code du travail : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques » ; que l’article L.1233-4 du Code du travail énonce : « Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement du salarié ne peut être opéré dans l’entreprise ou les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi de catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises » ; que les comptes de la Société SOFRA clos au 30 septembre 2006 montrent une perte de 53.619 pour un chiffre d’affaires de 192.605 ; que ces très mauvais résultats démontrent la réalité des difficultés économiques ; que contrairement à ce que soutient Mademoiselle X…, son emploi à temps complet a été supprimé et elle a été remplacée par une salariée à temps partiel, poste qu’elle avait refusé d’occuper ; que l’importance des difficultés économiques, le nombre très restreint de salariés (quatre) et le refus de Mademoiselle X… d’une réduction de son temps de travail ne permettaient pas son reclassement ; que dès lors, la réalité d’un motif économique à la rupture du contrat de travail existe et que Mademoiselle X… doit être déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail ;
ALORS, D’UNE PART, QUE la si l’adhésion du salarié à une convention de reclassement personnalisé entraîne une rupture qui est réputée intervenir d’un commun accord, elle ne le prive pas de la possibilité d’en contester le motif économique ; que cette possibilité ouverte au salarié de pouvoir contester le motif économique du licenciement suppose nécessairement l’envoi préalable d’un courrier de licenciement, au regard duquel la critique pourra effectivement s’exercer ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L.1233-39 et L.1233-67 du Code du travail ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE les difficultés économiques invoquées par l’employeur doivent être de nature à justifier la suppression du poste du salarié ; qu’en affirmant que la rupture du contrat de travail de Mademoiselle X… était justifiée par les difficultés économiques invoquées par la Société SOFRA, sans constater que les difficultés économiques alléguées impliquaient nécessairement la suppression du poste occupé par Mademoiselle X…, la cour d’appel a violé l’article L.1233-3 du Code du travail ;
ALORS, ENFIN, QUE la proposition de modification du contrat de travail faite à un salarié dans le cadre des dispositions spécifiques de l’article L.1222-6 (anciennement article L.321-2) du Code du travail est étrangère à l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur dans le cadre de la rupture du contrat de travail pour motif économique ; qu’en estimant que le refus opposé par Mademoiselle X… à la proposition qui lui était faite par la Société SOFRA, dans un courrier du 15 décembre 2006, de réduire son horaire de travail, avait rendu impossible son reclassement et justifiait la rupture du contrat de travail pour motif économique (arrêt attaqué, p. 2 § 1 et p. 4 § 5), cependant que le courrier du 15 décembre 2006, qui visait expressément l’article L.321-1-2 du Code du travail n’entrait pas dans le cadre de la procédure de licenciement envisagé, la cour d’appel, qui n’a finalement caractérisé aucun effort de reclassement consenti par l’employeur, a violé le texte susvisé, outre l’article L.1233-4 du Code du travail.
Maître JALAIN, avocat en droit du travail bordeaux