Comment s’applique l’obligation de sécurité de l’employeur vis à vis de son salarié ?

L’obligation de sécurité de résultat constitue un concept développé par la jurisprudence et applicable en matière de santé et de sécurité du salarié.

 

Elle a notamment été développée en matière de faute inexcusable de l’employeur.

 

La faute inexcusable correspond à la situation du salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle résultant de l’absence de mesures de sécurité prises par l’employeur alors même qu’il avait pourtant conscience du danger auquel il exposait son salarié.

 

Dans cette hypothèse, l’employeur est considéré comme ayant manqué à son obligation de sécurité de résultat et, par suite, doit être condamné à indemniser les conséquences sur l’état de santé du salarié de son manquement (souffrances physiques, morales, perte de promotion professionnelle, préjudice esthétique, préjudice d’agrément notamment).

– Les enjeux

Les enjeux de ce concept sont simples : responsabiliser l’employeur dans sa démarche de prévention.

L’obligation n’est pas de moyen (faire de son mieux) mais de résultat (le risque ne doit pas se réaliser). Dès lors que le résultat se réalise, l’employeur doit être considéré comme responsable.

À cet égard, une simple inexécution de l’obligation de garantir la sécurité des salariés suffit à engager la responsabilité personnelle du chef d’entreprise. Le salarié est alors en droit de réclamer à l’employeur le versement de dommages-intérêts lorsqu’il a été victime d’un accident ou d’une maladie professionnelle, sans avoir à apporter la preuve de la faute de l’employeur.

L’employeur qui ne met pas à disposition de ses salariés les équipements de protection individuelle adaptés aux substances chimiques manipulées ou ne se charge pas de leur entretien ne respecte pas son obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les maladies professionnelles. Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable.

En matière d’obligation de sécurité, l’attitude du salarié ne produit pas d’effet sur la responsabilité de l’employeur qui demeure engagée : ainsi, l’indemnisation du salarié pour violation de l’obligation de sécurité ne peut pas être limitée au motif que ce dernier avait accepté un risque. Par exemple, un salarié dont la santé se dégrade car il accomplit de longs déplacements professionnels a droit à une indemnisation même si l’employeur établit qu’il avait accepté un partage de son temps de travail pour moitié en région parisienne et pour moitié à Marseille (Cass. soc., 10 février 2016, n° 14-24.350).

 

La Cour de cassation a ensuite étendu cette notion d’obligation de sécurité de résultat à d’autres concepts tels que le harcèlement moral. Ainsi, dès lors qu’un salarié est victime de harcèlement moral, l’employeur est considéré comme ayant manqué à son obligation de sécurité de résultat et sa responsabilité peut être engagée. De même, une altercation entre collègues ou le fait de ne pas chercher à mettre fin à un conflit entre salariés, et qui impacte la santé de l’un d’entre eux, peuvent entraîner selon les circonstances la mise en cause de l’employeur au titre de son obligation de sécurité de résultat.

 

La prise en compte des risques psychosociaux entre également dans le cadre de l’obligation de sécurité et la jurisprudence n’hésite pas à sanctionner certaines entreprises qui mettent en place des organisations du travail anxiogènes pour les salariés ou encore qui restent passives lorsque certaines pratiques douteuses émanant de supérieurs hiérarchiques leur sont signalées.

 

En ne prenant aucune mesure pour remédier à la situation de souffrance psychologique exprimée par le salarié et matérialisée par des circonstances objectives, l’employeur commet un manquement à son obligation de sécurité de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail : le salarié peut donc solliciter la résiliation judiciaire de son contrat ou prendre acte de la rupture qui sera prononcée aux torts exclusifs de l’employeur. De même, le directeur des ressources humaines qui, par son inertie, cautionne des méthodes de management inacceptables de la part d’un cadre de l’entreprise commet une faute qui justifie son licenciement.

 

Le malaise d’un salarié qui intervient en raison d’un important épisode de stress professionnel constitue un accident du travail et le salarié peut obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur puisque celui-ci a manqué à son obligation de sécurité.

 

Cette obligation générale de sécurité s’impose à l’employeur quelle que soit la qualification des salariés et quelle que soit leur expérience.

 

Une décision de la Cour de cassation infléchit le principe de l’obligation de sécurité de résultat, en admettant pour la première fois que l’employeur a respecté son obligation de sécurité lorsqu’il apporte la preuve qu’il  a pris toutes les mesures de prévention nécessaires (Cass. soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444).

 

Manque à son obligation de prévention des risques professionnels à l’égard de l’ensemble des salariés de l’entreprise, même s’il est relaxé au pénal de l’infraction de harcèlement moral, l’employeur qui adopte un mode de management par la peur, ayant entrainé, outre  de nombreuses situations de souffrance au travail, une vague de démissions notamment de la part des salariés les plus anciens (Cass. soc. , 6 décembre 2017, n° 16-10.889).

 

 

– Les points de vigilance

Les entreprises, si elles doivent prévenir les risques professionnels, ne doivent pas pour autant reconnaître de manière trop large ces derniers.

 

Il convient ainsi de déterminer précisément les facteurs pouvant être qualifiés de facteurs de pénibilité et les seuils d’exposition.

 

Reconnaître que tout salarié est exposé à un risque professionnel sans prendre la peine de procéder à une analyse des risques peut engendrer des difficultés. En effet, l’employeur pourrait être considéré comme reconnaissant avoir manqué à son obligation de sécurité de résultat en exposant son salarié à ce risque sans prendre de mesures préalablement aux négociations sur la pénibilité.

 

À l’inverse, l’employeur qui ne prend pas les mesures d’organisation ou les moyens appropriés pour limiter la pénibilité est coupable de faute inexcusable.

 

L’employeur qui ne fait rien pour éviter le recours à la manutention manuelle comportant des risques pour les travailleurs en raison de la charge ou des conditions ergonomiques défavorables contrevient aux dispositions légales et se rend coupable de faute inexcusable.

 

En cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, si le tribunal des affaires de Sécurité sociale a reconnu la faute inexcusable de l’employeur, cette reconnaissance ouvre droit à une totale réparation des préjudices subis (souffrances physiques et morales, préjudices esthétiques et d’agrément, préjudices résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle) par le salarié (CSS, art. L. 452-3) ;

lorsque le salarié est licencié pour inaptitude suite à un accident du travail résultant d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, il peut contester la validité de son licenciement devant le conseil de prud’hommes et solliciter des dommages et intérêts (Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-26.850, n° 17-10.306 et n° 14-20.214).

 

Toutefois, l’indemnisation du salarié est limitée aux conséquences de la rupture abusive ou illicite du contrat de travail et le salarié ne peut pas solliciter l’indemnisation du dommage résultant de l’accident, qui relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS).