Comment appliquer la nouvelle prescription triennale sur les salaires ?

La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi promulguée le 17 juin 2013 abaisse la prescription sur les salaires de cinq ans à trois ans. Elle prévoit toute fois un régime transitoire qu’il convient de mettre en oeuvre au regard de l’arrêt de la cour de cassation du 14 novembre 2013.

Dans son arrêt rendu le 14 novembre 2013, la Cour de cassation précise que le point de départ d’un délai de prescription d’une créance salariale est le jour de son exigibilité soit le jour habituel du paiement fixé à la fin du mois généralement et pour les salaires payés mensuellement.

Ce principe a d’importantes conséquences pour les situations de litiges entre employeurs et salariés à l’occasion desquels des rappels de salaires sont sollicités, lorsque :

  • la rupture du contrat est postérieure à la promulgation de la loi,
  • la saisine est postérieure à la promulgation de la loi,
  • l’exigibilité du salaire et donc le point de départ de la prescription est antérieur à la promulgation de la loi.
En effet, prenons l’exemple d’une créance salariale exigible au 17 juin 2009 (prime heures supplémentaires etc.).

Le délai de prescription quinquennale applicable à l’époque commence donc à courir.

Puis le 17 juin 2013, il est interrompu par la promulgation de la loi de sécurisation professionnelle prévoyant un régime transitoire concernant la prescription en ces termes : « Les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »

Ainsi au 17 juin 2013, le délai écoulé en vertu de la loi ancienne était de quatre années.

En conséquence, à compter de ce 17 juin 2013, il conviendrait d’appliquer le nouveau délai de prescription de trois années sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure soit cinq années.

Dans notre cas, quatre années s’étant déjà écoulées, le nouveau délai ne pouvait s’appliquer que pour une année.

La créance exigible au 17 juin 2009 sera prescrite au 17 juin 2014.

Le salarié souhaitant ainsi obtenir un rappel de salaire au titre de cette créance devra saisir le tribunal compétent avant le 17 juin 2014.

Maître JALAIN – Avocat en droit du travail au Barreau de Bordeaux

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Cass. soc. 14 novembre 2013, n°12-17409
« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé le 20 novembre 2000 par l’association l’Avitarelle selon un contrat à durée déterminée de quatre mois ; qu’il a ensuite été lié à l’association par une succession de contrats à durée déterminée à temps partiel et à temps complet jusqu’au 17 mars 2003 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande tendant à obtenir la requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée conclu à compter du 20 novembre 2000 et à voir condamner l’employeur à lui payer certaines sommes, notamment à titre de rappel de salaire ;

Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l’article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-501 du 14 juin 2013, ensemble les articles L. 3242-1 et L. 3141-22 du code du travail ;

Attendu qu’il résulte des textes susvisés que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible, que pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré et que, s’agissant de l’indemnité de congés payés, le point de départ du délai de la prescription doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris ;

Attendu que l’arrêt énonce que compte tenu de la date de saisine du conseil de prud’hommes intervenue le 24 avril 2006, les demandes de rappels de salaire (congés payés et prime de précarité afférente comprises) formées par le salarié aux titres de la reprise d’ancienneté, du repos compensateur conventionnel, des majorations sur les heures supplémentaires ou complémentaires, du travail de nuit, des heures manquantes et des périodes de carence pour la période antérieure au 24 avril 2001 sont prescrites ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher la date à laquelle les créances étaient exigibles, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il énonce que les demandes de rappels de salaire (congés payés et prime de précarité afférente comprise) formées par l’exposant au titre de la reprise d’ancienneté, au titre du repos compensateur conventionnel, au titre des majorations sur les heures supplémentaires ou complémentaires, au titre du travail de nuit, au titre des heures manquantes et au titre des périodes de carence pour la période antérieure au 24 avril 2001 sont prescrites, l’arrêt rendu le 1er février 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Condamne l’association L’Avitarelle aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne l’association l’Avitarelle à payer à M. X… la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille treize. »

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Par Me JALAIN Hugo Tahar