Une convention collective peut-elle déroger aux dispositions légales sur le CDD ?

L’employeur qui recrute un salarié en CDD doit lui transmettre son contrat de travail au plus tard dans les 2 jours ouvrables suivant l’embauche (c. trav art L1242-13).

S’il ne respecte pas cette formalité, le CDD est requalifié en CDI (cass. soc. 17 juin 2005, n°0342596, BC V n° 203).

Dans cette affaire, un club de rugby avait mis près de 15 jours à transmettre son contrat à un joueur mais opposait au juge un argument original : la convention collective du rugby professionnel imposait de recruter les joueurs par voie de CDD, avec une durée limitée à 5 saisons. Il était donc impossible de requalifier en CDI un contrat qui, par nature, avait une durée déterminée.

Sans surprise, la Cour de cassation balaie cet argument, les dispositions de la convention collective étant, en tout état de cause, illicites.

Au-delà des particularités de cette affaire, on retiendra surtout le principe posé par la Cour de cassation, qui dépasse le monde du sport : de façon générale, aucune convention collective ne peut déroger, de façon défavorable pour le salarié, aux dispositions d’ordre public relatives aux conditions de recours et de forme du contrat de travail à durée déterminée.

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Maître JALAIN

Avocat en Droit du Travail


Cass. soc. 2 avril 2014, n° 11-25442 FSPBR

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a conclu avec la société Rugby club toulonnais (RCT), le 19 février 2007, un « pré-contrat de travail » par lequel il était engagé en qualité de joueur de rugby à compter du 1er juillet 2007 pour une durée correspondant à deux saisons de rugby et prenant fin le 30 juin 2009, moyennant une rémunération mensuelle nette de 17 000 euros outre le remboursement de billets d’avion, la prise en charge d’un logement à hauteur de 1 000 euros maximum et la mise à disposition d’un véhicule ; que par un contrat du 13 juillet 2007 à effet du 1er juillet, M. X… a été engagé en qualité de joueur de rugby pour les deux mêmes saisons sportives, moyennant un salaire mensuel brut de 9 915 euros, outre des avantages en nature, dont une prise en charge du loyer à hauteur de 880 euros, d’un véhicule à hauteur de 525 euros, 8 000 euros annuels pour les billets d’avion ; que par avenant du 31 mai 2009, la société RCT et le joueur ont convenu de rompre le contrat du 13 juillet 2007 ; que ce dernier a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches et le second moyen, pris en ses deux premières branches :


Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;


Sur le second moyen, pris en sa troisième branche :


Attendu que le club fait grief à l’arrêt de requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et de le condamner au paiement de diverses sommes à titre d’indemnités de requalification et au titre de la rupture, alors, selon le moyen, qu’il résulte de l’article 1.3 de la convention collective du rugby professionnel que les contrats de travail ne peuvent être conclus que pour une durée déterminée ne pouvant excéder cinq saisons ; qu’en requalifiant le contrat de travail à durée déterminée du 13 juillet 2007 en contrat de travail à durée indéterminée, la cour d’appel a violé les articles 1.3 de la convention collective du rugby professionnel et 1134 du code civil ;


Mais attendu qu’une convention collective ne peut déroger, de façon défavorable pour le salarié, aux dispositions d’ordre public relatives aux conditions de recours et de forme du contrat de travail à durée déterminée ; que les dispositions illicites de l’article 1.3 de la convention collective du rugby professionnel, qui imposent le recrutement des joueurs professionnels par voie de contrat de travail à durée déterminée ne pouvant excéder cinq saisons, ne peuvent faire obstacle à la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée remis au salarié après l’expiration du délai de deux jours prévu à l’article L. 1242-13 du code du travail ; que par ce motif de pur droit substitué, le moyen se trouve légalement justifié ;


Mais, sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :


Vu l’article 1134 du code civil ;


Attendu que pour condamner le club à payer la somme de 100 000 euros en application de la clause pénale stipulée au pré-contrat du 19 février 2007, l’arrêt retient que quand bien même le contrat de travail à durée déterminée stipule, à l’instar de la clause figurant dans le contrat-type de la Ligue nationale de rugby, une clause selon laquelle « tous les contrats (ou accords) passés antérieurement entre le club et le joueur sont annulés », il n’en demeure pas moins que, d’une part, la signature du contrat à durée déterminée a pour principal objet de ratifier le pré-contrat et, d’autre part, le joueur n’a à aucun moment consenti expressément et de manière non équivoque aux dispositions de ce pré-contrat devant être reprises dans le contrat, notamment celles relatives à la rémunération ;


Qu’en statuant ainsi, alors que le contrat signé le 13 juillet 2007 stipulait que tous les contrats ou accords antérieurs conclus entre le club et le joueur étaient annulés, ce dont il résultait que le pré-contrat du 19 février 2007 était saisi par cette clause d’annulation, la cour d’appel, a violé le texte susvisé ;


Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche :


Vu l’article 455 du code de procédure civile ;


Attendu que pour condamner le club à payer certaines sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents et pour rupture abusive du contrat, l’arrêt retient qu’il n’est pas sérieusement discuté qu’à la date du 31 mai 2009, en l’état du contrat à durée indéterminée dont le salarié peut rétroactivement se prévaloir, le club ne lui a plus fourni aucun travail et a rompu de fait la relation de travail avec le joueur, sans lui avoir adressé une quelconque lettre de licenciement énonçant la cause réelle et sérieuse de la rupture ;


Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du club soutenant que la rupture était intervenue d’un commun accord le 31 mai 2009, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :