Un fait issu de la vie privée du salarié peut-il justifier une sanction disciplinaire ?
Le salarié a le droit de choisir son mode de vie. Toutes les dispositions contraires, qu’elles soient contractuelles ou issues du règlement intérieur, peuvent être annulées.
En effet, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
(Code du travail, article L. 1121–1)
Chaque salarié a droit au respect de sa vie privée sauf si son comportement dans la vie privée crée un trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise.
Dans ce cas-là, un licenciement pour motif lié à la vie privée peut être justifié.
Selon une jurisprudence très classique et très souvent réaffirmée, un fait de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire (Cass. Soc. 23/06/09 n° 07-45256 ; Cass. Soc. 09/03/11 n° 09-42150).
Le pouvoir de direction de l’employeur ne pouvant s’exercer sur la vie privée du salarié, il en est de même, à l’évidence, s’agissant de son pouvoir disciplinaire.
Néanmoins, tout licenciement n’est pas exclu puisque la jurisprudence admet depuis longtemps la validité du licenciement, non disciplinaire, pour des faits relevant de la vie privée du salarié ayant causé un trouble objectif caractérisé dans l’entreprise en raison des fonctions du salarié et des finalités propres de l’entreprise.
(Cass. Soc. 17/04/91 n° 90-42636 ; Cass. Soc. 04/12/07 n° 06-42795 ; Cass. Soc. 14/09/10 n° 09-65675).
La jurisprudence a parfois accepté le licenciement revêtant un caractère fautif grave.
Mais il est nécessaire que le fait relevant de la vie personnelle puisse être rattaché à la vie professionnelle du salarié. Il doit constituer un manquement grave au contrat de travail
(Cass. Soc. 27/06/01 n 99-40555).
Un tel licenciement a pu être constitué par une atteinte à l’image de l’entreprise. Par exemple, la secrétaire d’une agence immobilière a pu être valablement licenciée, car elle était venue travailler en survêtement (Cass. Soc. 06/11/2001, no 99-43.988).
En revanche, la Cour de cassation a aussi pu juger un licenciement abusif quand un garage concessionnaire a congédié un salarié venu avec un véhicule d’une autre marque.
(Cass. Soc. 22/01/1992, no 90-42.517).
Si le trouble objectif n’est pas démontré, le licenciement pourrait être considéré comme abusif et donner droit à l’obtention de dommages et intérêts au salarié.
Pour rechercher si le comportement du salarié a bien causé un trouble objectif au sein de l’entreprise, les juges prennent en compte différents critères :
- les caractéristiques de l’entreprise : taille, secteur d’activité, notoriété ou encore la publicité donnée aux événements dans les médias ;
- la nature des fonctions du salarié : si le salarié a des fonctions impliquant certaines responsabilités ou en contact direct avec la clientèle, le trouble sera plus facilement reconnu ;
- la finalité propre de l’entreprise.
La détermination de la proportionnalité de la sanction avec l’intérêt lésé sera à l’appréciation souveraine des juges du fond. Ils pourront alors accepter la qualification de licenciement pour faute grave ou le requalifier comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Dans un arret du 16 septembre 2015, les juges étendent les possibilités de sanctionner un salarié pour des faits relevant de sa vie privée :
« Mais attendu qu’appréciant souverainement, sans dénaturation, les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui a retenu que les insultes et menaces proférées par le salarié au cours d’une altercation intervenue sur la voie publique devant plusieurs membres du personnel visaient le comportement et les compétences de M. A…, salarié de l’entreprise, a pu décider que ce comportement se rattache à la vie professionnelle de l’entreprise et justifiait l’avertissement délivré au salarié … »
(Cass. Soc. 16/09/15 n° 14-46376)
Maître JALAIN – Avocat en droit du travail au Barreau de Bordeaux – contact@avocat-jalain.fr