Licenciement nul et droits à l’assurance chômage

Dans son analyse, la Cour de cassation procédait en deux temps : déterminer la nature des indemnités compensatrices (salariales ou indemnitaires) concernées (I) puis décider des conséquences de la nullité sur les allocations chômages déjà versées (II).

I. Qualifier les indemnités compensatrices versées en cas de nullité du licenciement : salaires ou indemnités ?

La jurisprudence de la Cour de cassation effectue une analyse différente suivant l’origine et le fondement de la nullité du licenciement.

  • Nullité du licenciement en raison de la violation du statut protecteur

Dans ce premier cas, et lorsque le salarié accepte sa réintégration, la cour de cassation juge qu’il s’agit de salaires (Soc. 19 novembre 2014, n°13-23643).

De même, lorsque le salarié refuse sa réintégration et sollicite une indemnisation avant l’expiration de sa période de protection (Soc. 12 juin 2013, n°12-17273), cette indemnisation sera qualifiée de salaires.

A contrario, le salarié qui refuse sa réintégration et sollicite une indemnisation postérieurement à l’expiration de sa période de protection, bénéficie d’une « indemnité dont le montant est fixé par le juge en fonction du préjudice subi » (Soc. 11 juin 2013, n°12-12738) si bien qu’elle aura un caractère indemnitaire et non salariale.

  • Nullité du licenciement suivant annulation de l’autorisation administrative de licenciement

En vertu de l’article L. 2422-4 du Code du travail, l’indemnité versée dans ce cas est soumise au versement des cotisations afférentes. Par conséquent, il s’agit de salaires.

  • Le droit commun des nullités de licenciement ne trouvant pas leur origine dans la violation du statut protecteur

Si le salarié sollicite sa réintégration, il perçoit « une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période comprise entre son licenciement et sa réintégration dans la limite des salaires dont il a été privé » (Soc. 3 juillet 2003, n°01-44522). Il s’agit ainsi de salaires.

Dans le cas contraire, le salarié perçoit les indemnités de rupture du contrat de travail et une indemnité réparant l’intégralité du préjudice subi au moins égale à celle prévue à l’article L. 1235-3 du Code du travail (indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse). Cette dernière indemnité n’est pas soumise à cotisations selon le Code général des impôts (article 80 duodecies). Il ne s’agit donc pas de salaires.

  • Les règles particulières régissant la nullité des licenciements étrangers à la violation du statut protecteur

En vertu de l’article L. 1225-71 du Code du travail, la salariée licenciée en violation du régime protecteur lié à la maternité qui ne sollicite pas sa réintégration, perçoit une double indemnisation dont une partie correspond aux salaires non versés durant la période de protection et la seconde correspond à une somme de nature indemnitaire (montant souverainement apprécié par les juges du fond et au moins égal à celui prévu à l’article L. 1235-3 du Code du travail).

Le licenciement nul en raison d’une irrégularité du plan de sauvegarde de l’emploi donne droit au versement d’une indemnité de nature salariale lorsque la réintégration est prononcée (L. 1235-11 du Code du travail). Dans le cas contraire, l’indemnité minimale des douze mois de salaires prévue à l’article L. 1235-11 du Code du travail, présente un caractère indemnitaire (article 80 duodecies CGI).

Dans le cas d’une nullité du licenciement résultant de l’action en justice engagée par le salarié sur le fondement d’une discrimination ou d’une rupture d’égalité entre femmes et hommes, la réintégration est de droit. Les sommes versées couvrant la période de nullité sont donc des rappels de salaires soumis à cotisations. Si le salarié refuse sa réintégration, les sommes versées par son ancien employeur ont toute un caractère indemnitaire (indemnité de licenciement, indemnité minimale de six mois).

II. Effet sur les allocations chômage

La nullité prononcée, que deviennent les allocations chômage déjà versées au salarié ?

  • Le Remboursement des allocations lorsque la nullité est fondée sur l’absence d’autorisation administrative

Tel était le cas en l’espèce (Soc. 19 novembre 2014, n°13-23643). Les allocations chômage étant indues, le salarié doit les rembourser mais il cotise alors sur les salaires versés en vertu de la période couverte par la nullité et cette même période s’ajoute à sa période d’affiliation à l’Assurance chômage.

  • La Déduction des allocations en droit commun de la nullité

Dans la plupart des cas de nullité du licenciement (à l’exception des cas impliquant remboursement supra et cumul infra), le salarié qui obtient indemnisation et réintégration verra son indemnisation (correspondante aux salaires dus en vertu de la période de protection) réduite du montant des allocations versées durant la période couverte par la nullité mais ce, uniquement si l’employeur le demande (Soc. 16 novembre 2011, n°10-14799).

Dans le cas du salarié qui n’a pas été réintégré, les allocations versées ne sauraient être déduites de l’indemnisation versée au salarié en ce que cette dernière n’a pas un caractère salarial.

Une particularité doit être relevée concernant la nullité du licenciement fondée sur l’annulation de l’autorisation de licenciement du salarié protégé et réintégré : dans ce cas, l’indemnité versée ayant un caractère de salaire doit être imputée du montant des allocations chômage versées au titre de cette même période d’indemnisation (Soc. 28 octobre 2003, n°01-40762).

  • Le Cumul

Dans certains cas de nullité, ni le remboursement ni la déduction ne sont possibles.
Tel est le cas lorsque le fondement du licenciement frappé de nullité est l’état de santé, l’exercice du droit de grève ou l’exercice d’activités syndicales ; trois situations régies par des principes constitutionnels.

En cas de cumul, c’est l’Assurance chômage qui supporte les conséquences de la nullité du licenciement et non l’employeur.
En effet, la condamnation de l’employeur au remboursement des allocations chômage est impossible en cas de licenciement nul à l’exception de la nullité du licenciement prononcée en vertu de :
– l’absence de décision ou d’homologation d’un PSE ou en cas d’annulation de ladite décision (L. 1235-4 C. tr.),
– l’action en justice par le salarié licencié ou en sa faveur sur le fondement des dispositions relatives à la discrimination ou à l’égalité professionnelle entre femmes et hommes (L. 1235-4 C. tr. par renvoi des articles L. 1134-4 et L. 1144-3 C. tr.).

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Cass. soc. 19 novembre 2014, n°13-23643

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 25 juin 2013) que M. X…, salarié protégé, qui a été licencié sans autorisation administrative, a perçu des allocations de retour à l’emploi entre son licenciement et sa réintégration ordonnée par la juridiction prud’homale, laquelle a également condamné l’employeur à lui payer une indemnité équivalente au montant des salaires du jour de son licenciement jusqu’à sa réintégration ; qu’après avoir remboursé les allocations à l’Assedic de Picardie, il a fait assigner Pôle emploi de Picardie, venant aux droits de celle-ci, devant le tribunal de grande instance d’Amiens en répétition de l’indu que constitue, selon lui, le remboursement de ces allocations ;

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande, alors selon le moyen, que la nullité du licenciement n’a pas pour effet de priver rétroactivement un salarié du droit à l’allocation d’assurance que l’Assedic lui a servie pendant la période comprise entre son licenciement et sa réintégration au cours de laquelle il était involontairement privé d’emploi, apte au travail et à la recherche d’un emploi ; qu’en l’espèce, la cour d’appel d’Amiens a constaté que la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 8 juin 2006 qui était devenu irrévocable avait jugé nul le licenciement de M. X… prononcé en violation du statut protecteur prévu par l’article L. 2411-3 du code du travail et avait ordonné la réintégration du salarié dans l’entreprise ; que pour débouter néanmoins M. X… de sa demande en répétition de l’indu relative aux allocations chômage qu’il avait perçues à la suite de son licenciement et qu’il avait dû reverser à Pôle emploi, la cour d’appel a relevé que le conseil de prud’hommes avait condamné la société Sogeti Transiciel à réintégrer le salarié mais aussi à lui régler « les salaires dus sur la base contractuelle antérieure au licenciement » et que la cour d’appel avait débouté M. X… de sa demande de dommages-intérêts parce qu’il ne justifiait pas du préjudice invoqué, de sorte qu’il ne pouvait être retenu que le versement des salaires avait eu un caractère indemnitaire ; qu’en statuant ainsi, quand le salarié ne pouvait être privé des allocations chômage qu’il avait perçues pendant une période où il avait été involontairement privé d’emploi, apte au travail et à la recherche d’un emploi, peu important la nature des sommes auxquelles avait pu être condamné par ailleurs l’employeur, la cour d’appel a violé les articles 1376 et 1377 du code civil, ensemble l’article L. 5422-1 du code du travail dans sa version en vigueur ;

Mais attendu que dans ses rapports avec l’organisme d’assurance chômage, le salarié dont le licenciement est nul pour avoir été prononcé sans autorisation administrative ou malgré un refus d’autorisation, n’est pas fondé à cumuler les allocations de chômage avec ses rémunérations ou une indemnité équivalente à celles-ci ;

Et attendu que la cour d’appel, qui a constaté que le salarié avait obtenu la condamnation de son employeur au paiement d’une indemnité compensatrice de salaire pour la période comprise entre son licenciement nul et sa réintégration, a exactement décidé que le paiement des allocations de chômage versées par l’organisme d’assurance au titre de cette période s’est révélé indu ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quatorze.«