Le controle du licenciement pour insuffisance professionnelle par le juge prud’homal

L’insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié.

Pour apprécier si le motif d’insuffisance professionnelle allégué par l’employeur est réel et sérieux, le juge prend en compte l’ancienneté du salarié mais aussi sa progression dans l’entreprise, les augmentations de salaire allouées, l’existence ou non de constats d’insuffisance déjà effectués par l’employeur, etc.

Ainsi, des allégations d’incompétence ne sont pas fondées dès lors que le salarié a bénéficié de nombreuses promotions (CA Paris 31 mars 1977), d’un rapport élogieux à l’issue d’un entretien d’évaluation (CA Paris 17 septembre 1996), ou d’une augmentation de salaire (Cass.soc 21 févr. 1991) quelques mois avant son licenciement.

Récemment, la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mars 2011 a précisé que les mentions de l’évaluation professionnelle du salarié, établie quelques mois avant le licenciement par l’employeur, lui permet de contester le motif d’insuffisance professionnelle avancé par son employeur.

Ainsi, la contradiction entre le contenu de cette évaluation favorable au salarié et l’insuffisance professionnelle qui lui est ensuite reprochée prive le licenciement prononcé de cause réelle et sérieuse .

Cet arrêt nous rappelle que les entretiens d’évaluation ne peuvent être pris à la légère par l’employeur car ils sont susceptibles de servir d’élément probatoire dans le cadre d’un contentieux sur un licenciement sur insuffisance professionnelle.

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Cass.soc 22 mars 2011, n° 09-68693

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 11 juin 2009), que M. X…, engagé en qualité d’agent de développement social le 12 juin 1995 par l’association Institut de formation d’animateurs de collectivités des Yvelines, promu le 1er avril 2002 chargé de mission et directeur du centre social de la ville de Vernouillet, a été convoqué par lettre du 3 janvier 2006 à un entretien préalable et licencié le 23 janvier suivant pour insuffisance professionnelle tenant à des négligences dans la gestion de son temps de travail, absences répétées et manque d’assiduité, après avoir fait l’objet d’une évaluation professionnelle le 14 novembre 2005 ;

Attendu que l’association fait grief à l’arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner à payer des dommages-intérêts en conséquence, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge est tenu d’examiner l’ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; que la lettre de licenciement faisait grief au salarié d’avoir géré son emploi du temps en méconnaissance de la convention la liant à la commune de Vernouillet, ainsi que de ses “obligations élémentaires” à l’égard de son employeur et des membres de son équipe ; qu’en omettant de vérifier s’il avait manqué à ces obligations, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-1 du code du travail ;

2°/ que constitue une faute le fait pour un salarié de gérer son temps sans considération des impératifs fixés par la convention qu’il a pour mission, en sa qualité de responsable, de mettre en oeuvre ; qu’en disant que ce grief ne pouvait être reproché à un salarié, directeur d’un centre social, de ne pas mettre en oeuvre les impératifs du marché confiant à son employeur la gestion de ce centre, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-1 du code du travail ;

3°/ que commet une faute le salarié qui refuse délibérément d’exécuter des travaux relevant de ses attributions sans justifier d’un motif légitime, malgré les injonctions répétées de son employeur ; qu’en omettant de rechercher si le simple fait pour M. X… de ne pas assister à de multiples reprises aux réunions de coordination avec la commune de Vernouillet en dépit de ses demandes réitérées était constitutif d’une faute justifiant le licenciement, la cour d’appel a privé sa décision de motif au regard du texte susvisé ;

4°/ que la cour d’appel ne pouvait retenir la conclusion de l’évaluation professionnelle, sans répondre à ses conclusions qui démontraient que ce document faisait état de nombreuses négligences du salarié sur lesquelles reposait le licenciement ; qu’en procédant à une telle omission, la cour d’appel a privé sa décision de motifs et violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu’il résulte des constatations mêmes de l’arrêt que ledit document faisait état des libertés prises par le salarié dans l’exercice de ses fonctions ; qu’en déduisant de ce document que le salarié ne s’était pas rendu coupable de négligences et absences injustifiées, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de L. 1232-1 du code du travail susvisé ;

Mais attendu qu’appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a relevé, d’abord, que le salarié n’était pas partie à la convention liant son employeur à la commune, ensuite que le dernier entretien d’évaluation qui avait été établi moins de deux mois seulement avant le licenciement avait conclu à “un vrai travail et des compétences certaines entachées par certaines libertés rien d’irrémédiable” ; qu’ayant ainsi fait ressortir qu’aucun des manquements imputés au salarié n’était établi, l’arrêt n’encourt aucun des griefs du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;