Intérêt à agir de l’employeur contre la reconnaissance d’une maladie professionnelle
Un arrêt recent de la cour de casstion du 17 septembre 2009 vient indiquer que même si aucune somme n’est mise à sa charge à la suite de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie d’un de ses salariés par une caisse primaire d’assurance maladie, l’employeur a intérêt à pouvoir faire établir que cette décision, qui porte sur les conditions de travail et les risques professionnels au sein de son entreprise, n’a pas été prise conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale.
Cass. civ., 2e, 17 septembre 2009, n°08-18.151
« LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l’article 31 du code de procédure civile ;
Attendu que, selon ce texte, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, salarié de la société Saint Louis sucre (la société), a effectué une déclaration de maladie professionnelle le 29 novembre 2004 ; que, le 20 mai 2005, la caisse primaire d’assurance maladie de Seine et Marne a informé la société, qui avait émis des réserves sur cette déclaration, de la prise en charge de l’affection de son salarié au titre de la législation professionnelle ; que la société a saisi la juridiction de sécurité sociale aux fins de se voir déclarer inopposable cette décision de prise en charge ;
Attendu que pour déclarer la société irrecevable en son recours pour défaut d’intérêt à agir, l’arrêt retient que la société n’avait strictement aucun intérêt à invoquer l’inopposabilité à son égard des décisions de prise en charge de la maladie professionnelle dès lors que les dépenses avaient été inscrites sur un compte spécial et que les frais engagés étaient ainsi mutualisés ;
Qu’en statuant ainsi, alors que, même si aucune somme n’est mise à sa charge à la suite de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie d’un de ses salariés par une caisse primaire d’assurance maladie, l’employeur a intérêt à pouvoir faire établir que cette décision, qui porte sur les conditions de travail et les risques professionnels au sein de son entreprise, n’a pas été prise conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 juin 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de Seine et Marne aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire d’assurance maladie de Seine et Marne à payer à la société Saint Louis sucre la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Saint Louis sucre.
Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré la société SAINT LOUIS SUCRE irrecevable en son recours car sans intérêt à agir ;
AUX MOTIFS QUE « par de justes motifs que la Cour adopte, les premiers juges ont déclaré la SNC SUCRE SAINT LOUIS irrecevable en son recours pour défaut d’intérêt à agir ; qu’en effet, la SNC SUCRE SAINT LOUIS n’a strictement aucun intérêt à invoquer l’inopposabilité à son égard des décisions de prise en charge de la maladie de Jacques X…, puisque les dépenses engagées suite à cette prise en charge ont été inscrites sur le compte spécial et non pas sur son compte propre et qu’ainsi tous les frais engagés par la maladie seront mutualisés ; que, de fait, un tel intérêt ne peut s’envisager que dans l’hypothèse de l’exercice par le salarié d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, auquel celui ci conserve la possibilité de soulever par voie d’exception l’inopposabilité, et cette inopposabilité ayant pour effet, en cas d’admission, de priver la Caisse primaire de son droit de récupération » ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU’en application de l’article 123 du Nouveau Code de Procédure Civile, la fin de non recevoir, tirée du défaut d’intérêt à agir, peut être proposée en tout état de cause, même en cours d’audience, lorsque la procédure est orale ; qu’aux termes des dispositions de l’article 31 du Nouveau Code de Procédure Civile, « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention » ; qu’en premier lieu, l’intérêt doit être né ; que le demandeur doit donc justifier d’un intérêt positif et concret à voir reconnaître le bien fondé de ses prétentions ; qu’a contrario, l’action qui tend à faire déclarer juridiquement l’existence ou l’inexistence d’une situation juridique, la régularité ou l’irrégularité d’un acte qui ne font l’objet d’aucune contestation, est qualifiée d’action déclaratoire et, en tant que telle, doit être déclarée irrecevable ; qu’en l’espèce, cette instance a pour objet de voir déclarer inopposable à la S.N.C. SAINT LOUIS SUCRE la décision de prise en charge de la maladie de Monsieur Jacques X… : qu’elle est introduite indépendamment de toute action en reconnaissance de faute inexcusable ; que l’action de la S.N.C. SAINT LOUIS SUCRE vise donc à voir s’exercer un contrôle judiciaire à priori, afin de se voir garantir à l’avance, par une décision de justice, la question de la régularité de la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle ; que c’est en vain que la S.N.C. SAINT LOUIS SUCRE prétend qu’il pourrait lui être reproché, dans le cadre d’une future action en reconnaissance de faute inexcusable, de ne pas avoir, en son temps, contesté la décision de prise en charge de la CPAM de Seine et Marne ; qu’en effet, dans cette hypothèse, l’absence d’une telle contestation par l’employeur ne lui est pas préjudiciable, puisqu’il peut s’opposer à la demande formée contre lui, en se fondant sur l’inopposabilité à son égard de la décision prise par la Caisse, sans avoir à saisir la Commission de Recours Amiable préalablement à l’exception qu’il soulève ; qu’il en résulte que la condition tirée de l’existence d’un intérêt né n’est pas remplie ; qu’en outre, l’intérêt doit être actuel ; que si l’action est engagée sur le fondement d’un intérêt futur, il doit être suffisamment certain, ce qui suppose démontrer que le préjudice futur a un caractère de certitude suffisant du fait de sa survenance ou de sa probabilité ; qu’en l’espèce, à supposer sa demande satisfaite, la S.N.C. SAINT LOUIS SUCRE ne pourrait se prévaloir de la sanction attachée à l’inopposabilité des décisions prises par la Caisse puisque, par courrier du 25 octobre 2005, la Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Ile de France a confirmé à la S.N.C. SAlNT LOUIS SUCRE que la maladie professionnelle de Monsieur Jacques X… était inscrite sur le compte spécial et que tous les frais occasionnés par cette maladie seront mutualisés : qu’il en résulte que le préjudice de la S.N.C. SAINT LOUIS SUCRE, susceptible de lui donner intérêt à agir, est totalement pris en charge par le compte spécial et qu’il apparaît donc improbable ; que par conséquent, la fin de non recevoir, tirée du défaut d’intérêt à agir de la S.N.C. SAINT LOUIS SUCRE, est fondée, et il y a lieu, dès lors, de la déclarer irrecevable en sa demande » ;
ALORS, D’UNE PART, QUE l’inscription d’une maladie au compte spécial n’a pas pour effet de priver la Caisse de son action à l’égard de l’employeur en remboursement des indemnités versées au salarié en réparation de ses préjudices personnels en cas de reconnaissance de faute inexcusable ; que l’inopposabilité de la décision de reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie à l’égard de l’employeur a pour effet de priver la Caisse de la possibilité de récupérer, en cas de reconnaissance de faute inexcusable, les compléments de rente et indemnités versés à l’assuré ; que les rapports entre la Caisse et l’employeur sont indépendants des rapports entre l’employeur et la victime et de ceux entre la Caisse et la victime ; que l’employeur est, dans ses rapports avec la Caisse, en droit de contester la décision de prise en charge par voie d’action pour empêcher toute demande en paiement postérieure de la Caisse, sans attendre que le salarié exerce une action en faute inexcusable ; qu’en déclarant irrecevable le recours de la société SAINT LOUIS SUCRE en contestation de la décision de la CPAM de SEINE ET MARNE de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie de Monsieur X…, au motif que la maladie avait fait l’objet d’une inscription au compte spécial et que l’employeur pourrait soulever l’inopposabilité de la prise en charge par voie d’exception en cas d’action en reconnaissance de faute inexcusable du salarié, la Cour d’appel a violé l’article 31 du Code de procédure civile ;
ALORS, D’AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE même lorsque aucune somme n’est mise à sa charge à la suite de la reconnaissance du caractère professionnel de l’affection d’un de ses salariés par une CPAM, l’employeur a intérêt à pouvoir faire établir que cette décision, qui porte sur les conditions de travail et les risques professionnels au sein de son entreprise, n’a pas été prise conformément aux dispositions du Code de la sécurité sociale ; qu’en considérant, comme elle l’a fait, que la société SAINT LOUIS SUCRE était dépourvue d’intérêt à agir à l’encontre de la décision de la CPAM de SEINE ET MARNE de prendre en charge la maladie de Monsieur X…, la Cour d’appel a violé l’article 31 du Code de procédure civile.