Licenciement pour faute grave : dans quel délai l’employeur doit-il initier la procédure de licenciement?

Licenciement pour faute grave : dans quel délai l’employeur doit-il initier la procédure de licenciement?

 

  • La faute grave

 

La faute grave a été définie par la Cour de cassation par la réunion de trois éléments :

 

  • Un fait personnellement imputable au salarié (Cass. soc. 23/02/2005, n°02-46.271) ;

 

  • Le fait incriminé doit être en lien avec la relation de travail (Cass. soc. 25/04/1990, n°87-45.275) ;

 

  • La faute grave rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (Cass. 27/09/2007, n°06-43.867).

 

Seules ces trois conditions doivent être réunies pour caractériser la faute grave.

 

Il résulte de la dernière condition qu’en cas de faute grave, la procédure de licenciement doit être engagée rapidement.

  • La mise en œuvre de la procédure de licenciement dans un délai restreint

 

Selon l’article L.1332-4 du Code du travail, lorsque l’employeur a connaissance d’un fait fautif, il dispose d’un délai de deux mois pour initier une procédure disciplinaire.

 

La jurisprudence est venue maintes fois préciser que lorsque l’employeur entend retenir une faute grave, il doit mettre en œuvre la rupture du contrat dans un délai restreint dès lors qu’aucune vérification des faits allégués n’est nécessaire (Cass. soc. 06/10/2010, n°09-41.294, Cass. soc. 17/11/2011, n°10-18.721).

 

Dans un arrêt du 20 mars 2024, la Cour de cassation a jugé qu’un délai de 25 jours entre la connaissance des faits fautifs et le convocation à entretien préalable enlève tout caractère de gravité à la faute (Cass. soc. 20/03/2024, n°23-13.876).

 

En l’espèce, un salarié cariste cause un accident le 1er mars 2019.

 

Il est convoqué à un entretien préalable le 26 mars 2019 puis licencié pour faute grave du fait de l’accident le 6 mai 2019.

 

Le salarié conteste son licenciement.

 

La Cour d’appel considère qu’un délai important s’est écoulé entre l’accident pour lequel le salarié a été licencié et sa convocation à entretien préalable, alors même que l’employeur a eu connaissance des faits de l’accident le jour même.

 

Elle constate par ailleurs que le salarié n’a pas été suspendu de la conduite de chariots après l’accident ce qui démontre que l’employeur ne le considérait pas impropre ses fonctions.

 

La Cour d’appel juge par conséquent que la faute grave n’est pas caractérisée et que le licenciement est nul.

 

La Cour de cassation confirme l’analyse de la Cour d’appel et rappelle que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après la connaissance des faits allégués par l’employeur dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

 

Or en l’espèce, le délai trop important de mise en œuvre de la procédure enlève le caractère de gravité à la faute commise par le salarié.

 

Dans un arrêt plus récent du 27 mai 2025, la Cour de cassation a confirmé sa position.

 

Une salariée est licenciée pour faute grave plus d’un mois après la prise de connaissance des griefs par l’employeur et conteste son licenciement.

 

La Cour d’appel déboute la salariée au motif que les griefs de l’employeur étaient établis et constitutifs d’une faute grave.

 

La Cour de cassation constate que la Cour d’appel n’a pas recherché si la procédure de licenciement avait été mise en œuvre dans un délai restreint après la connaissance par l’employeur des faits imputés à la salariée et casse l’arrêt.

 

Ainsi, l’employeur doit impérativement mettre en œuvre la procédure de licenciement pour faute grave du salarié dans un délai restreint après connaissance des faits fautifs et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

 

Cependant, la notion de délai restreint dépend des circonstances de l’espèce et reste à l’appréciation souveraine des juges du fond.

 

  • L’appréciation souveraine des juges du fond

 

Les juges du fond doivent apprécier la réactivité de l’employeur dans la mise en œuvre de la procédure de licenciement pour faute grave.

 

Toutefois, le délai tardif d’engagement de la procédure peut être validé par les juges si un temps est nécessaire à l’employeur pour apprécier le degré de gravité des fautes commises (Cass. soc. 10/03/1993, n°91-44.504).

 

A titre d’exemple, la jurisprudence juge que la faute grave ne peut pas être prononcée :

 

  • Lorsque l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable 3 semaines après la connaissance des faits (Cass. soc. 23/10/2012, n°11-23.861) ;

 

  • Lorsque l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable 2 mois moins un jour après la connaissance des faits fautifs (Cass. soc. 22/01/2020, n°18-18.530).

 

A l’inverse, la jurisprudence considère que le délai est restreint et que la faute lourde peut être prononcée :

 

  • Lorsque l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable 8 jours après la commission des faits (Cass. soc. 08/10/1992, n°91-41.879) ;

 

  • Lorsque l’employeur convoque le salarié à un entretien préalable 21 jours après la commission des faits (Cass. soc. 04/05/2017, n°15-20.184).