Conditions de mise en oeuvre de la faute inexcusable de l’employeur

La définition de la faute inexcusable de l’employeur à l’origine d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail est le fait de la jurisprudence et non de la loi.

Ainsi, dans l’arrêt Veuve Villa rendu le 15 juillet 1941, la faute inexcusable s’entendait d’une faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, en l’absence de tout fait justificatif.

Cette définition est restée inchangée jusqu’à plusieurs arrêts du 28 février 2002.

Dans plusieurs arrêts rendus à cette date à propos des maladies professionnelles consécutives à l’inhalation de fibres d’amiante, la Cour de cassation met à la charge de l’employeur une obligation de sécurité conçue comme une obligation de résultat et fondée sur le contrat de travail, dont le manquement constitue une faute inexcusable ( Cass. soc., 28 févr. 2002, no 00-11.793, Bull. civ. V, no 81, p. 74 ; Cass. soc., 28 févr. 2002, no 99-17.221 ).

Ainsi, la Cour de cassation décide qu’« en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale , lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qui n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».

La Cour de cassation met en avant ainsi dans le contrat de travail une obligation de sécurité « de résultat ».

La deuxième chambre civile a maintenu depuis 2002 le caractère contractuel de l’obligation tandis que la chambre sociale a abandonné ce fondement depuis 2005, lui substituant le fondement légal de l’ article L. 4121-1 du Code du travail : « Mais attendu que l’employeur est tenu à l’égard de son personnel d’une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; qu’il lui est interdit, dans l’exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de ne pas respecter cette obligation. »

Si la responsabilité de l’employeur au titre de la faute inexcusable est engagée, c’est à la condition qu’il ait eu ou aurait dû avoir conscience du danger encouru par le salarié.

Il en est ainsi lorsque la conscience du danger se déduit de l’absence d’entretien par l’employeur de l’engin, notamment de son dispositif de sécurité, et du fait que les mesures nécessaires pour protéger le salarié du danger n’ont pas été prises ou dans un cas d’exposition indirecte à une substance toxique comme l’amiante alors que l’employeur sait déjà que le salarié s’expose au risque ( Exemple : Cass. 2e civ., 31 mai 2006, no 04-30.654, Bull. civ. II, no 141).

Dans le même sens, commet une faute inexcusable l’employeur qui place un cadre à un poste pour lequel il n’a pas les connaissances requises, sans lui donner la formation nécessaire ni lui apporter de l’aide, et qui tarde à donner suite aux préconisations de changement de poste du médecin du travail (Cass. 2 e civ., 19 sept. 2013, no 12-22.156 ).

La Cour de cassation a reconnu la faute inexcusable :

  • dans une espèce où une infirmière est infectée par une seringue
  • dans un cas de pathologie liée à l’inhalation de fibres d’amiante
  • en présence de troubles musculo-squelettiques
  • dans un cas d’accident résultant de la chute de matériel
  • dans un cas où le salarié à l’origine de l’accident n’avait pas la qualification requise pour conduire l’engin ayant blessé la victime
  • dans un cas de chute où il est reproché à l’employeur de ne pas avoir veillé à ce que ses ouvriers, qui travaillaient à une hauteur de plus de trois mètres, emportent et utilisent les dispositifs obligatoires de sécurité sur un chantier

– L’exoneration possible pour l’employeur de sa responsabilité

Pour que l’employeur puisse s’exonérer de la faute inexcusable, il ne suffit pas qu’il ait pris des mesures pour protéger le salarié, encore faut-il qu’il ait pris les mesures « nécessaires » à la protection de celui-ci ( Cass. 2e civ., 16 sept. 2003, no 02-30.670, Bull. civ. II, no 264).

La charge de cette preuve pèse sur le salarié victime ou sur ses ayants droit, le cas échéant ( Cass. 2e civ., 8 juill. 2004, no 02-30.984, Bull. civ. II, no 394 😉

La preuve de la conscience du danger est un préalable à l’établissement de la faute inexcusable, avant même de démontrer que les mesures nécessaires pour préserver les salariés n’ont pas été prises.

Ainsi, dans deux espèces, la Cour de cassation a rejeté la faute inexcusable de l’employeur au motif qu’il n’était pas démontré l’existence d’une installation défectueuse, d’une mauvaise utilisation de l’engin ou du comportement fautif de l’employeur. ( Cass. 2e civ., 6 avr. 2004, no 02-30.954 )